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Le retour de Romain Courcières 

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Poste Le 18 avril 2015 par adminVO2

4e Français aux France de cross 2014 au Pontet, sélectionné pour la première fois en juin dernier à l’occasion de la coupe d’Europe du 10 000 m (lire ici), la progression de Romain Courcières a été stoppée cet automne à la suite d’une grosse blessure à la cheville. Revenu en forme, il sera en lice ce week-end aux championnats de France de 10 km à Aix-les-Bains (1).  
Vous avez fait l’impasse sur les cross automnaux et notamment la sélection pour les Europe de cross. Que s’est-il passé ?
Je me suis blessé le 1er octobre. Sur un footing de récup tout bête, au bout de 15’, sur un moment d’inattention sur des branches, ma cheville est partie, et bien partie.
J’ai soigné, j’ai fait de la proprioception et du kiné. Et à Ifrane (en octobre, lors du stage fédéral de préparation aux sélections pour les championnats d’Europe de cross, ndlr), dès que je courais, ça ne faisait que s’enflammer. Je courais un jour, je me reposais trois jours. A mon retour je suis parti à Capbreton pour faire de la rééducation.
Et en faisant des examens, ils se sont rendus compte que j’avais un arrachement osseux. J’ai eu des ondes de choc, et plein de choses pour enlever ces calcifications. J’ai perdu deux mois et demi. J’ai pu recourir sans douleur, début janvier. Là, j’ai une cheville tout neuve !
La déception a dû être forte de ne pas pouvoir prétendre à une place aux championnats d’Europe de cross. 
Oui, c’était plus que dur. Sur une année, tout se passe bien, tu enchaînes les cross, avec zéro pépin etc…C’était la saison parfaite, avec cette place de 4e Français aux France de cross (9e de la course). Tu te dis qu’en préparant tout ça un peu plus sérieusement, ça doit être bien.
J’ai fini la saison un peu sur les rotules car j’ai couru tout ce que j’ai pu courir, avec les 5 000, le 10 000 (lire ici), la coupe d’Europe, les Interclubs. J’ai coupé près d’un mois en juillet, et je suis ensuite parti à Font Romeu. Je suis resté 7-8 semaines. Avec ma famille puis ensuite avec deux Anglais (John Beattie et Luck Cragg), qui préparaient le semi et le marathon. 15 jours après la redescente de Font-Romeu, j’ai pu constater sur certaines séances que j’avais vraiment passé un palier au niveau des entraînements.
Mais au final, tu regardes les copains courir à Allonnes, les courses s’enchaînent alors que toi tu es à la maison et tu ne cours pas.
Les championnats de France ont été compliqués (41e) ? 
Ma course de reprise, c’était la Coupe d’Europe (lire ici). Et oui, les France de cross ont été compliqués, surtout que j’ai besoin de courses pour me mettre en confiance (c’était sa 2e), comme l’hiver dernier. Comme je n’avais pas de repères, je savais très bien au fond de moi que je n’allais rien faire. Ça n’a pas été facile, tu serres les dents et tu te dis que c’est la vie.

« Le fait qu’Alès joue tous les ans le podium a été une grosse motivation »

 
Vous aviez dit que vous étiez très attaché au Satuc (à Toulouse). Pourquoi avez-vous muté à Alès ?
Ça s’est fait sur un petit coup de tête. J’étais à Ifrane à ce moment là. J’ai traîné ma 4e place aux France de cross dans la tête toute la saison. Faire 4e aux France et rentrer à la maison sans rien, car on a fait 8 ou 9e par équipes (8e), ça me faisait clairement “chier“.
Peut-être que cette occasion ne se représentera jamais…Le fait de savoir qu’Alès joue tous les ans le podium, je me suis dit que si je passe une année au travers, je pourrais me satisfaire du podium par équipes. Ça été une grosse motivation.
Et le fait de savoir que le club faisait la coupe d’Europe de cross était aussi intéressant. Tu vas là où tu as l’opportunité de faire pas mal de choses en collectif, ce que je ne pourrais peut-être jamais faire individuellement.
Après, je passe au-dessus de que les gens peuvent dire sur Alès. J’ai appris à connaître le président et l’ex présidente, et tu te rends compte qu’ils n’y sont vraiment pour rien. Ils sont plus victimes de ce qu’il y a eu que d’autre chose. Maintenant qu’il y a Hassan (Lhassinni), la politique de recrutement a complètement changé.
Financièrement ? Ça ne change rien par rapport au Satuc, et je continue à m’entraîner avec Yannick (Kerloch, licencié au Satuc).
Les soupçons perpétuels sur le club n’ont pas guidé votre choix (lire notamment ici) ?
Au début si. Je l’ai dit à Hassan. Tout le monde est un peu dans le fantasme d’Alès : ils sont tous en chambre en train de se doper. Ce n’est rien de tout ça. Même si on ne se connaît pas depuis longtemps, on est comme des copains : on déconne à table, on ne parle jamais d’athlé. La veille de la coupe d’Europe, on était tous réunit dans le restau et le lendemain tout le monde s’arrachait pour le club. Il faut laisser les gens parler.

« Au Japon, j’ai dépassé les 300 bornes en 8 ou 9 jours »

 
Quels vont être vos prochains objectifs ?
Cette année, tout le monde part sur marathon. Avec Yannick, on s’est dit de continuer un an ou deux à faire du 10 000 et des 10 km, en faisant des semis. C’est quand même le socle : si tu n’a pas une référence à 28’50 – 29’, tu seras toujours limité sur marathon. Il n’y a pas à tortiller. Si tu fais 30’30’’ sur 10 km / 10 000, tu ne pourras pas prétendre à faire 2h13-2h14’.
J’ai 28 ans, je suis pressé de faire du marathon comme tout le monde, mais on ne va se disperser et on va rester sur du 10 000.
Il y aura peut-être un marathon au printemps 2016. Sincèrement, je me sens prêt depuis que j’ai fait le stage au Japon. Pas forcément viser un chrono pour le premier mais le finir ne me fait pas peur.
Comment s’est passé ce stage d’une douzaine de jours (du dimanche 8 mars au vendredi 20) (1) ?
J’étais bien tout le stage et je n’ai pas eu de bobo. J’ai dépassé les 300 km sur huit ou neuf jours. J’ai presque fait tout ce qu’ont fait les Japonais. Toutes mes années à faire du vélo m’ont permis d’avoir une certaine caisse. Je sais que le long, c’est pour moi.
Après, il faudra que je m’entraîne à m’alimenter. Au Japon, c’est passé plusieurs fois à côté. Mais sur marathon, il faut apprendre.
Vous l’avez bien digéré physiquement ?
Le décalage horaire a été très dur. (Au retour), j’ai passé le samedi et le dimanche à dormir. J’ai essayé de trottiner un peu (7 km en 40’) pour ne pas couper net. J’ai fait repos le mardi et après ça, j’étais fracassé. J’avais mal partout pendant deux jours. C’est le mercredi ou jeudi soir que je me suis décidé d’aller à Angoulême (samedi 28 mars). Je suis arrivé le jour de la course, j’avais fait 40 km à tout casser. A tel point que j’ai fait 13 km avant la course.
Deuxième en 29’38’’, la forme est bien revenue.
Oui, surtout que je n’ai pas couru pour le chrono, mais pour la place et la prime. Après, Angoulême est très roulant (trop, le parcours n’est pas homologué, ndlr). Ça doit valoir un petit 30’ sur un 10 km plat. Je suis content, surtout après le stage au Japon. Je ne pensais pas courir aussi vite.

« Tu ressors plus fort »

 
Qu’est que vous a particulièrement marqué au Japon (lire le bilan du stage 2014 ici) ?
Les moyens qu’ils mettent. Les athlètes sont tous professionnels, salariés dans des entreprises, et détachés une dizaine de jours par mois pour s’entraîner avec l’équipe japonaise. Il n’y a pas un athlète qui se soucie de ce qu’il va avoir à la fin du mois.
Au début, on se dit que faire autant de kilomètres, c’est inhumain, que les mecs sont chargés. Et en fait, se lever à 6h, aller courir, manger, redormir et aller de nouveau courir à 11 heures, et pareil à 17 heures, c’est une habitude. Je ne suis pas un surhomme et j’ai réussi à le faire, sans me péter.
Après, il faut être capable de tenir ce rythme sur la durée.
Ils sont exigeants mais ils donnent deux ans à l’athlète pour faire une performance. Ils ont le temps de s’adapter. Tout est mesuré là-bas. Il y a des tests urinaires le matin pour savoir si l’hydratation est bonne etc…Tout est maîtrisé. Entre nos stages et les leurs, ça n’a rien à voir. C’est un autre monde.
Un kiné nous avait accompagnés. On pouvait y aller deux fois par jour. Au niveau des soins, c’était parfait. Tu te rends compte que si tu n’a pas tout ça à côté, tu ne peux pas tenir. Sinon, quand tu fais quasiment un marathon tous les jours, tu tiens deux jours (avant de se blesser).
Au final, tu ressors d’un stage comme cela plus fort, en te disant que le marathon, ça ne doit pas faire peur.
 
(1) Les championnats de France de 10 km se déroulent ce dimanche 19 avril à Aix-les-Bains (Savoie). Hassan Chahdi sera le favori chez les hommes après sa démonstration aux France de cross puis au semi de Paris (à retrouver dans le VO2 Run actuellement en kiosque une longue rencontre avec lui). Côté féminin, c’est l’espoir Jacqueline Gandar (à lire également dans le numéro 241 de VO2 Run) qui partira avec les faveurs des pronostics, fort de ses 33’46’’ réalisés à Bayeux.
(2) Seul quatre athlètes Français ont participé à ce deuxième stage au Japon, après 2014 (lire ici) : Romain Courcières donc, Ruben Iindongo, Damien Gras (qui ont tous deux abandonné au marathon de Paris) et James Theuri. « On a des accords avec les Japonais et tu ne refuses pas des invitations. Moi, le premier, ça m’embête d’aller là-bas avec quatre athlètes. Si près du marathon de Paris, on a lancé plein d’invitations, mais les athlètes étaient un peu sceptiques ; faire tant de voyage pour un camp d’entraînement, revenir trois semaines avant le marathon de Paris, ils risquaient d’hypothéquer tout ce qu’ils avaient fait avant » expliquait avant le marathon de Paris l’ambassadeur du marathon Philippe Remond, qui était sur place avec le kiné et les quatre coureurs.
« Courcières compte monter sur marathon. C’est bien de leur faire voir (aux athlètes qui vont passer sur 42,195 km, ndlr) ce qu’est un camp d’entraînement avec des “tueurs à gage“ comme les Japonais ».
Quant à la présence de James Theuri, actuellement suspendu un an en raison de trois manquements aux règles de localisation (lire ici), Philippe Remond se justifiait ainsi : « Je sais que ça a fait un peu polémique mais j’assume complètement cette part de responsabilité. J’ai tenu à ce qu’il vienne simplement pour qu’il ne perde pas son année, qu’il puisse bénéficier des stages au même titre que (Teddy) Tamgho, qui a représenté la France aux championnats du Monde juniors et aux championnats d’Europe à Zurich. A partir de ce moment là, je trouvais légitime d’insister pour que James fasse partie de ce collectif, pour ne pas le laisser tomber ».
 
Photo de « une » : Romain Courcières (à droite) lors des 10 km d’Angoulême (Photo G2A).

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