Athlétisme

L’envie de Yoann Kowal

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Poste Le 5 février 2015 par adminVO2

Yoann Kowal vient de réaliser une probante rentrée sur 1 500 m à Karlsruhe en Allemagne, sa distance de prédilection avant qu’il ne bifurque vers le steeple. Le champion d’Europe du  3 000 m steeple raconte son nouveau statut à assumer, mais aussi son plaisir actuel de courir. Il s’alignera ce samedi à Mondeville sur 3 000 mètres.
Yoann Kowal semble serein. Placide. Lui-même invoque un surcroît d’expérience. « Peut-être que le titre y fait. Je pense que j’ai pris un peu de maturité grâce à ça. Et j’aborde un championnat, un 1 500 plus sereinement. Mais il n’y a pas que le titre. Je commence à prendre de l’âge. J’ai 28 ans (le 28 mai), je commence à être un vieux, avec 30 sélections (1) » sourit-il.
Après plusieurs déconvenues et un grand raout planétaire qui l’a longtemps fui sur 1 500 mètres (Daegu 2011, Londres 2012, une 5e place à Barcelone en 2010 aux Europe tout de même), le Périgourdin, lassé par ce 1 500 m où tout était devenu cérébral, lancinant, et unique affaire de performance avait choisi de monter sur le steeple, dans le sillage d’un prometteur 8’21’’66 réalisé à Bruxelles un mois après les JO de Londres.
8e à Moscou aux Mondiaux 2013, il domptait les obstacles, accédant alors et à une finale planétaire et à ce top 8 mondial tant convoité. Avant de glaner le titre continental l’été dernier, toujours sur sa nouvelle distance, au terme d’un insensé imbroglio suite à la disqualification de Mahiedine Mekhissi (lire ici).

« Etre responsable de mon statut »

 
Libéré, l’athlète de Patrick Petit-Breuil. Pour autant, ses précédentes sorties post-Zurich (abandon au cross d’Allonnes le 23 novembre, 30’38’’ sur 10 km à Houilles le 28 décembre) avait suscité une certaine frustration.
« Je ne l’explique pas trop. A Houilles, j’étais largement capable de faire moins de 29’. Sur les deux courses, j’ai eu deux points de côté consécutifs qui ne reflètent pas le niveau que j’avais. J’ai envie de m’exprimer. Je veux être responsable de mon statut. J’ai fait de la “merde“ cet hiver. J’arrive sur les compétitions avec un statut, l’attente des gens : j’étais un peu dégouté de faire des trucs pourris, surtout vis-à-vis des organisateurs qui  invitent ».
Ressent-il justement un œil différent à son égard ou est-ce sa propre attente née de son titre qui s’est intensifiée? On semble percevoir comme un « devoir » d’être à la hauteur. « Je ne sais pas pour le regard des organisateurs et des autres athlètes. Mais perso, ça ne me plaît pas (de ne pas courir à son niveau). Tu es présenté sur les lignes de départ comme un champion d’Europe. Donc elle est là l’attente.».

A Allonnes le 23 novembre dernier (Photo Yves-Marie Quemener)
A Allonnes le 23 novembre dernier (Photo Yves-Marie Quemener)
Sa rentrée sur 1 500 m samedi 31 janvier à Karlsruhe (Allemagne) fut d’une tout autre facture. 4e en 3’39’’22, cela faisait deux ans et demi qu’il n’était pas allé aussi vite sur la distance –salle et plein air confondus. Et sans multiplier les séances spé 15 auparavant.
« Je venais pour faire moins de 3’40’’. J’ai fait un peu le timide car je ne suis pas parti. Je suis passé dernier en 2’28’’ au premier kilo et j’ai terminé en 1’11’’ sur le dernier 500 (et 40’’ sur le dernier 300). J’ai fait un bon chrono en prenant zéro risque » souligne celui était revenu mardi 27 janvier du stage fédéral de trois semaines en Afrique du Sud.
« Je n’ai pas fait de séances énormes comme d’habitude, mais j’ai été régulier : je n’ai pas fait de séances où j’explosais. J’ai fait un gros stage du point de vue de l’enchaînement » explique Yoann Kowal, qui s’est très souvent entraîné avec Florian Carvalho (« cela a été une bonne combinaison. Il était rapide donc je pense que ça m’a bien aidé »), partageant aussi quelques sessions avec le Polonais spécialiste du 800 mètres Marcin Lewandoswski (3).

« J’ai vraiment kiffé ce 1 500 »

 
De quoi nourrir des ambitions pour les championnats d’Europe indoor à Prague (6-8 mars) ? Il avait d’ailleurs glané sa première médaille internationale lors de ce rendez-vous, en 2009 à Turin, sur 1 500 m. « Je ne me mets pas d’objectif strict en tête. C’est un hiver basé sur le plaisir. Je ne sais pas encore si je fais les Europe, ni même les France » souligne le Périgourdin, qui a dépareillé à Karlsruhe avec son maillot de Périgueux Sarlat Trélissac (2).
Il y aurait pourtant un bon coup à jouer, non ? « En fait, je n’ai pas envie, pour les Europe en salle, de me réinvestir physiquement et mentalement comme avant les Europe de Zurich ».
De la difficulté de se focaliser sur plusieurs gros objectifs lors d’une même saison (Christelle Daunay en parlait ici). « Si je vais aux Europe, c’est que je peux faire une médaille. Mais je n’ai pas envie de me dire aujourd’hui : je me prépare pour faire une médaille, c’est mon objectif, je fais attention à l’alimentation, je me concentre, j’appelle ma sophrologue tous les jours. Je n’ai pas envie de faire ça maintenant. Si j’y vais, ça ne sera pas dans l’objectif performance à tout prix ».
Davantage dans l’optique plaisir (« une envie de m’amuser » dit-il), ce qui n’est pas incompatible in fine avec la réalisation d’une grosse performance. Car l’on peut réussir et s’épanouir aussi par le truchement de cette approche.

Yoann Kowal en août 2013 à Moscou (Photo Gilles Bertrand)
Yoann Kowal en août 2013 à Moscou (Photo Gilles Bertrand)
Yoann Kowal ne dit d’ailleurs pas autre chose. « J’ai vraiment kiffé ce 15 (à Karlsruhe). J’ai envie de revivre ça sur les prochaines courses.  J’ai eu le petit stress d’avant course que j’avais ressenti avant les Europe. J’ai eu de bonnes sensations. Et il y a l’envie. Après les Jeux, j’étais dégouté du 15. L’envie est vraiment revenue. C’est plutôt bon. Et je prends du plaisir ». Ça se sent.
Il escompte poursuivre sur  sa dynamique ce samedi  7 février à Mondeville (Calvados) où il s’alignera sur 3 000 mètres. La course sera emmenée pour lui, sur des bases de 7’45’’, soit son record personnel (7’44’’26 en 2012 à Liévin).
« Je vais avoir des responsabilités. Je dois prendre conscience des choses » relève le Périgourdin, qui espère ne pas ressentir le contrecoup du stage en Afrique du Sud. Depuis son retour, il a davantage mis l’accent sur la récup et ne redoublera qu’après ce 3 000 m.

« Faire 3’37’’, ça serait top »

 
Le champion de France indoor en titre du 1 500 m  s’alignera le 19 février à Stockholm sur 1 500 m. « J’ai vraiment envie de péter mon record (3’38’’07 en 2011 ; il avait claqué l’été suivant 3’33’’75, son record en plein air). Faire 3’37’’, ça serait top ».
Son appétence pour courir vite pourrait alors poindre aux France à Aubière (21-22 février) puis aux Europe indoor à Prague deux semaines plus tard…
Les sensations crispantes, le gros stress, celui qui glace le sang et ankylose les muscles quelques secondes avant le coup de feu, la course au chrono – « moins de 8’10’’, ça serait bien » ; « ça va être un peu particulier cet été, avec Mahiedine (Mekhissi), (Nouredine) Smaïl, Bob Tahri sur le steeple. Faudra être attentif à un peu tout le monde et ce n’est pas gagné. Les sélections ne sont pas offertes » – il aura tout le temps de les éprouver l’été venu, avec peut-être inconsciemment un soupçon de sérénité en plus…
 
(1) : 22 en seniors, 8 chez les jeunes.
(2) : il n’a pas trouvé (encore ?) d’équipementier mais est aidé par son club, les collectivités et des partenaires locaux.
(3) : Marcin Lewandowski, champion d’Europe du 800 m à Barcelone en 2010 (4e des Mondiaux en 2013, 5e à Zurich) est accoutumé à faire une prépa hivernale basée sur 1 500 voire 3 000. Il vient ainsi de courir en 3’38’’68 à Karlsruhe samedi 31 janvier (et 1’46’’74 sur 800 m deux jours avant à Düsseldorf).

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