Athlétisme

Vicaut déjoue ; Lamote, Carvalho et Amdouni en finale

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Poste Le 7 juillet 2016 par adminVO2

Même s’il débloque le compteur médaille de l’équipe de France, Jimmy Vicaut, grand favori, a déjoué en finale du 100 m des championnats d’Europe à Amsterdam, prenant le bronze en 10’’08. Rénelle Lamote, en patronne sur 800 mètres, ainsi que Florian Carvalho et Morhad Amdouni sur 1 500 m, se sont qualifiés pour leurs finales respectives. Ça n’est en revanche pas passé pour Bryan Cantero. Enfin, Romain Barras a bouclé le dernier décathlon de sa riche carrière.
19h50’. Le stade olympique retient son souffle. La musique de fond, sorte d’orgue vibrionnant, fait monter la pression. On se croirait au départ d’un France de cross, avec le Haka en fond sonore ou un très stressant « tic-tac ». Coup de feu. Ou son ersatz, les pistolets sont désormais beaucoup moins bruyants. La clameur monte d’un coup. Mais retombe dans la foulée : les athlètes sont rappelés suite au faux départ du Britannique Richard Kilty. « Br(E)xit », quand tu nous tiens…
Le deuxième départ est le bon. Comme en séries, Jimmy Vicaut paraît emprunté et ne fait pas la différence. Il semble prendre les devants aux 60-70 m. Mais non, il ne s’envole pas. Cassé, et photofinish.
Le stade suspend son souffle. Et hurle sa joie, quand, après quelques secondes d’attente, le tableau lumineux indique le Néerlandais Churandy Martina vainqueur, 10’’07, même chrono que le Turc Jak Ali (9’’92 cette saison), alors que Jimmy Vicaut arrive en troisième position (10’’08), moins bien qu’il y a quatre ans à Helsinki où il avait pris l’argent derrière Christophe Lemaitre.
La glorieuse incertitude du sport, l’adage n’est pas démenti : on a beau être le grandissime favori, rien n’est jamais acquis tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie.
Rénelle Lamote : « C’est la première fois que je maîtrise autant une course en moins de deux minutes »
Favorite, Rénelle Lamote le sera également en finale du 800 mètres. « Je suis super contente ! » s’exclame t-elle en arrivant en zone mixte après sa demi-finale. « C’est la première fois que je maîtrise autant une course en moins de deux minutes. J’ai eu le meilleur temps des séries. Je pense que j’aurais un des meilleurs temps des demies (1’59’’87, le meilleur en fait, elle est la seule à être descendue sous les 2’, ndlr). On verra en finale. En tout cas, je suis bien préparée et c’est une bonne préparation pour Rio car il faudra courir vite à tous les tours. J’ai eu des supers sensations, donc je suis très contente » expliquait la championne d’Europe espoir, qui sera la favorite de la finale samedi. Avec la même tactique, à savoir courir devant et accélérer très fort sur la fin ?
« Je ne sais pas du tout. Thierry (Choffin, son coach) m’en parlera que le jour de la finale. Je commence à connaître les filles. Et puis, j’ai déjà couru contre Caster Semenya donc plus rien ne peut maintenant m’arriver » sourit-elle.
Sur 1 500 mètres Morhad Amdouni, placé dans la deuxième série, a fait le boulot, s’arrachant comme à l’accoutumée pour aller chercher la troisième place, sur les trois premières directement qualificatives, en 3’42’’64, notamment derrière le Tchèque Jakob Holusa, qui sera à suivre pour la finale samedi soir.
« Le plus important est fait » a réagi le demi-finaliste mondial. « J’ai pu garder de la fraîcheur, en ne jouant pas la première place mais la qualification. Sur les derniers 200 m, j’étais vraiment bien. Je vais essayer de viser la boite, et pourquoi pas la première place. Ce sera un autre jour, et comme ont dit : inch’allah ! ».
Florian Carvalho : « Aux Europe, il ne faut pas regarder les chronos. Ça ne veut rien dire » 
Le Britannique Jake Wightman sera lui aussi un sérieux client. Auteur d’une très grosse dernière ligne droite pour remporter la troisième et dernière série (3’39’’22), il a devancé le champion d’Europe 2012 Henrik Ingebrigtsen (3’39’’66) et Florian Carvalho (3’39’’73), tout en maîtrise, peut-être excepté les cent derniers mètres, où la meute est dangereusement revenu.
« Je contrôle au début de la dernière ligne droite puis je vois que ça revient sur l’extérieur. Je me suis alors dit que ça va être chaud de contrôler. Mais j’avais regardé les chronos des deux premières séries et je me doutais qu’on allait plus vite (les trois premiers de chaque série se qualifiaient, de même que les trois meilleurs chronos, ndlr) ».
Comme de nombreux athlètes, le triple champion de France a dû jongler avec des conditions pas idoines pour préparer son entrée en lice. « On attend quarante minutes à douze dans une chambre d’appel de dix mètres carrés. On ne peut pas trop bouger, puis on part avec une ou deux lignes droites dans les jambes. Ça fait bizarre mais c’est pour tout le monde pareil ».

Morhad Amdouni durant le 1 500 m (Photo Q.G)
Morhad Amdouni durant le 1 500 m (Photo Q.G)
Qui seront les principaux adversaires de celui qui avait récolté la médaille d’argent en 2012 à Helsinki ? « Il y a les deux Norvégiens (les frères Henrik et Filip Ingebrigtsen, le premier reconnaissable à sa moustache, disons surprenante), l’Anglais (Wightman) qui a fini très fort, Holusa, 2e cet hiver aux Mondiaux indoor. Après, aux Europe, il ne faut pas regarder les chronos. Ça ne veut rien dire ».
Le titre pourrait en tout cas rester bleu, deux ans après la victoire de Mahiedine Mekhissi, qui avait rebondi quatre jours après l’incroyable imbroglio du steeple (lire ici). Et un titre pourrait peut-être amener aux Jeux Olympiques pour Florian Carvalho et Morhad Amdouni, tous deux très proches des minima olympiques (lire ici).
De son côté, parti aux avant-postes, Bryan Cantero s’est ensuite fait déborder lors de l’emballage final. Celui qui disputait ses premiers championnats d’Europe seniors (il avait été du rendez-vous indoor à Göteborg en 2013) en plein air a finalement pris la 9e place en 3’43’’65.
Romain Barras, clap(ping) de fin
Dans la chaude et chaleureuse ambiance du stade olympique, Romain Barras a bouclé sa carrière avec un dernier tour sur 1 500 mètres en apnée, bein aidé par Florian Geffrouais, pour aller chercher une valeureuse sixième place, fort d’un nouveau total au-delà des 8 000 points…8 002 exactement. Certes insuffisant pour rallier les Jeux Olympiques de Rio (8 150 points étaient requis), mais un joli symbole et un joli clin d’œil pour achever une carrière, a fortiori dans ce sublime écrin d’Amsterdam.
Une carrière qui aura connu son acmé à Barcelone en 2010 avec un titre de champion d’Europe. Puis ce fut des semaines, des mois de galère, à jongler entre les blessures, à se demander si son corps ne l’avait pas définitivement lâché : bref, revenir à une vie où la douleur n’était plus présente, comme il le confiait en septembre (lire ici). Au courage, Romain Barras s’est accroché, est parvenu à réaliser 8 001 points l’an passé, puis 8 007 en juillet 2015, et de nouveau 8 007 début juin.
Hier et aujourd’hui, c’est au forceps qu’il a achevé ses dix travaux d’Hercule. « Ça été un décathlon difficile, surtout la deuxième journée. Je ne sais pas ce qu’il m’a manqué pour faire les minima. Peut-être un peu de réglages, un peu de compète en début de saison. Il ne manque pas grand-chose : plein de jets ne passent à rien, je fais la deuxième journée avec un ischio qui est complètement dans le sac ; ce matin, je ne passe pas une haie à l’échauffement, je ne fais pas un sprint car je ne peux pas courir. Je me mets dans les starts en mode transcendance pour réussir à finir la course. Je ne sais pas comment j’ai fait pour sauter à la perche.  J’aurais très bien pu ne pas finir hier le 400 m car je me fais mal au bout de cent mètres de course. Mais un décathlon, tu n’abandonnes pas. Il faut essayer d’aller au bout. J’en ai eu envie, presque à chaque épreuve. Mais on n’abandonne pas un décathlon. 8 002, c’est la petite réussite de ce déca. Je fais des perfs très moyennes, mais j’ai au moins eu la chance de le finir entier. Je n’ai pas ressenti d’émotions particulières, car ça fait un moment que je me prépare à cette fin. J’aurais aimé finir aux Jeux, mais c’est comme ça, c’est le décathlon : tu commences, tu ne sais pas comment tu vas finir. Tu donnes le meilleur ». C’est ce qu’il a fait. Avec brio.

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