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Le régal de Yohan Durand, prêt pour le marathon de Paris

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Poste Le 6 avril 2015 par adminVO2

A l’instar de Sophie Duarte, Yohan Durand va s’élancer pour la première fois sur marathon, dimanche 12 avril à Paris. Après l’avoir suivi lors de l’une de ses dernières sorties longues, le Bergeracois a raconté le plaisir éprouvé durant ses trois mois de préparation. Debout…en pleine séance de récup dans une poubelle remplie d’eau et de glace, glace qu’il a trouvée chez son poissonnier, en bas de chez lui. Chaque détail compte…Plongée dans le quotidien d’un marathonien de haut niveau.
Comment s’est passée la préparation ?
Super bien. J’ai juste chopé une ampoule mi-février qui m’a contrarié pendant quinze jours. C’est mal tombé avec les France de cross (abandon) et le semi de Paris. Aux France, je suis arrivé un peu fatigué car j’ai fait un gros travail tout le mois de janvier jusqu’à fin février.
Au semi de Paris, je pense que je manquais de rythme (1h03’51’’). Ça faisait dix jours que je m’entraînais sans m’entraîner. Et il y a eu les faits de course. Le départ a été très rapide, je me suis retrouvé seul au 5e. J’ai préféré lever le pied  car je sentais que ça allait un peu trop vite (ses temps de passage : 14’28’’ ; 29’22’’ et 45’00’’ au 15e), et il fallait essayer de courir le plus régulièrement possible. Du coup j’ai fait 15 km tout seul, et la 2e partie n’était pas évidente.
Mais au-delà de ça, depuis que j’ai repris mi-novembre, je n’ai aucune douleur (au tendon, lire ici). Et depuis que j’ai commencé la préparation marathon mi-janvier, je me régale.
Il y a eu un moment de doute ?
Disons que le doute s’est installé quand j’ai chopé cette ampoule sur le talon. Je n’ai pas réussi à faire les petites séances qui m’auraient permis d’arriver bien en confiance aux France, en plus de tout ce que j’avais fait avant. Au semi, je ne savais pas trop où j’allais car j’avais abandonné une semaine avant. Je me demandais si ça allait revenir sur le semi (la douleur).
Je suis ensuite reparti en stage à Gujan et ça s’est super bien passé. On a remis beaucoup de kilométrage et de bonnes séances.
Je me dis que j’ai fait à peu près ce qu’il fallait faire pour être en forme, en faisant beaucoup de volume par semaine, et en faisant des sorties suffisamment longues pour ne plus avoir peur de la distance.
Pour passer sur le marathon, il fallait trouver cette transition et oublier le coureur de 5 000 que j’étais (13’17’’90 en 2012), avec les qualités naturelles qui font qu’on est toujours sur la plante de pied, pour essayer d’évoluer vers une économie de course.

« Tu ne fais pas un marathon pour travailler ton 100 bornes »

 
Vous appréhendiez les 42,195 km ?
Oui, j’avais peur de ne pas avoir une foulée suffisamment économique et ne pas être capable de tenir physiologiquement des sorties de plus de 30 bornes. Mais oui, c’est complètement dissipé : je me régale et j’arrive à être super relâché sur des sorties de 35 km.
C’est quand même intéressant dans l’optique du marathon. Aujourd’hui, faire 42 km, ça ne me fait plus peur, alors que c’est le truc qui me faisait un peu douter.
Yodu 2
Quel chrono envisagez-vous à Paris ?
J’ai toujours dit que je visais un chrono entre 2h12’ et environ 2h14’. Au-delà, je pense que je serais déçu même si c’est un premier. Au niveau des temps de passage, ça devrait être entre 1h05’30’’ et 1h06’00’’ au semi.
Partir plus vite ? Non, je ne pense pas, sauf si on me fait changer d’avis (rires). Je n’ai pas non plus envie de partir vite pour partir vite. J’ai eu l’expérience sur le semi-marathon où je suis passé vite aux 10 km, et derrière je me retrouve tout seul. Du coup, tu galères un peu, et t’exploses. J’ai envie de plus équilibrer ma course, même si je sais qu’il faut prendre un peu d’avance sur la première partie.

«  Ça me paraissait inimaginable il y a encore un an que je fasse 37 bornes de footing avec une séance dedans »

Le but est de vous qualifier pour Rio, à moyen terme ?
Il faut voir par rapport au premier marathon. Je pense que ça va me donner une réel indicateur sur mes capacités à pouvoir prétendre à une place aux JO ou pas. Si je fais 2h12, bien sûr que ça sera envisageable. Si c’est 2h15’, il faudra peser le pour et le contre.
Vous vous sentez pleinement marathonien ?
Beh oui. Ça me plaît. Le volume d’entraînement, et surtout les sorties longues font que j’ai aujourd’hui vraiment l’impression d’être un marathonien. Même d’en faire peut-être un petit peu trop. Le seul truc qui peut m’arriver, c’est d’en avoir fait un peu trop pendant la préparation.
Votre coach Pierre Messaoud vous freine, parfois ?
(Rires) Un peu.
Comme si vous aviez peur…
(Il coupe) de ne pas en faire assez. Pour moi, le marathon, tu ne t’y aventures pas. Si tu n’es pas prêt, il ne faut pas y aller. J’ai pu faire des courses sans être prêt : sur des 1 500, des 3 000, ça peut passer, ou pour travailler la vitesse. Mais là tu ne fais pas un marathon pour travailler ton 100 bornes. Si j’y vais, je  veux être prêt. C’est une décision que j’ai prise et je l’assume complètement. Je ne mets pas la pression mais j’ai envie de faire les choses bien.
Yodu 5
Vous prenez plus de plaisir que sur une prépa type 5 000 mètres?
J’ai l’impression de prendre du plaisir, car ça me paraissait inimaginable il y a encore un an que je fasse 37 bornes de footing avec une séance dedans. Quand tu finis ça et que ça s’est bien passé…, et beh tu prends un gros plaisir. Quand tu regardes la montre et que tu vois 37 bornes en 2h10’, tu te dis : « putain, j’y suis, j’y arrive ».
Après, il y a peut-être le fait que sur la plupart de mes sorties longues, et même de mes seuils et entraînements un peu durs, ça s’est toujours bien passé. Je n’ai jamais galéré ou fait des chronos en deçà de ce qui était demandé.
Je ne vais pas dire aujourd’hui que j’ai trouvé la distance qui me plaît car il faut la passer en compète, et ça n’a rien à voir. Mais en tout cas, ça me plait à l’entraînement.

« Je me suis vraiment isolé de beaucoup de choses. Je ne pense qu’à mes entraînements et il n’y a rien d’autres à faire »

 
Vous sentez la fatigue après une grosse sortie, ou avec l’accumulation des entraînements ?
Oui, sur certains journées : il me faudra un ou deux jours pour récupérer. Même dans l’envie, c’est un peu plus compliqué de se lever. Il y a aussi une certaine lassitude, mais je suis de nouveau frais et dispo au bout de 48 heures pour réattaquer.
Pourquoi avoir choisi de vous préparer ces deux derniers mois presque exclusivement à la Teste, près de Gujan-Mestras (à 50 km de Bordeaux) ?
Pour me concentrer vraiment sur mon objectif. Etre dans une démarche très professionnelle, très carré. Je me suis vraiment isolé de beaucoup de choses. Il y a plein d’à-côtés que je n’ai plus –comme internet- et ça me permet de vraiment me concentrer sur mes entraînements et la récupération.
Vous n’avez pas la sensation d’être parfois trop coupé du monde ?
Beh, je ne pense pas que trop bien faire les choses est problématique. C’est de ne pas bien les faire, je pense, qui l’est. Je pense qu’on ne les fait jamais assez bien (sourire).
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Vous faîtes particulièrement attention aux soins ?
S’il y a des choses que j’ai changé depuis que j’ai basculé sur marathon, c’est sur les soins. Là, je vais trois fois par semaine chez le kiné. Avant, c’était une fois, une fois et demie. Je travaille avec un diététicien (Denis Riché). Je me suis fabriqué des trucs de cryo.
Je suis encore plus rigoureux depuis que j’ai basculé sur marathon. Car tu n’a pas forcément le droit à l’erreur. En plus de l’effort, il y a tout un tas d’autres paramètres à gérer, comme les ravitaillements, l’alimentation, le fait de savoir quoi manger avant, pendant etc…
Du coup, je suis encore plus carré sur les à-côtés alors que j’étais déjà pas mal. Mais comme je me suis blessé l’an dernier
Ne pas travailler (il est détaché de l’école des sports de la Défense de Fontainebleau) est pour cela un avantage important.
Complètement. Ça me permet de faire des stages comme je le fais à Gujan pendant deux mois où tu ne fais que t’entraîner. Tu as l’avantage de pouvoir bien récupérer, de faire des soins sans problème. C’est grâce à l’armée. Je leur suis très reconnaissant. C’est aussi pour ça que j’ai envie de perfer sur marathon, car il y a des gens, comme Nike aussi, qui me font confiance alors que ça fait deux ans que je n’ai pas perfé.

« Je sens que je suis proche de la vérité »

 
C’est grisant de ne pas avoir de douleurs, de se sentir bien ?
C’est ça. Je pense que la prépa se passe bien car je suis libéré dans la tête. Je peux enfin faire à l’entraînement ce que j’aurais dû faire depuis deux ans, mais que je ne pouvais pas faire car j’avais un frein physique, mental. Il y avait toujours un problème. Et quand je sortais d’un problème, j’en avais un nouveau deux mois après. Je n’arrivais pas à avoir de la continuité dans l’entraînement. C’est peut-être aussi pourquoi je suis motivé. Car je sens que je suis proche de la vérité.
Vous avez remis des choses en question avec Pierre Messaoud ?
Le fait de passer sur marathon a déjà été une remise en question par rapport à ce qu’exige l’entraînement du 3 000/5 000. Je suis encore plus pro sur le médical. Je suis vraiment content de bosser avec Denis Riché car il m’aide vraiment sur tout ce qui alimentation, problèmes de la flore intestinale.
On a travaillé sur la présence de bactéries et presque de mycoses intestinales qui engendraient le passage de toxines vers les muscles etc… Cela engendrait ensuite des tendinites. Je suis un régime sans gluten depuis 5 mois (il le stoppera après le marathon).
Je ne vais pas dire que c’est grâce au fait de ne pas manger de gluten que je n’ai plus de douleurs, car je fais tout un tas d’efforts à côté, mais je sais que ça fait partie de l’équilibre du sportif que je suis aujourd’hui.

Vendeur de chaussures, la reconversion !? Photos Q.G
Vendeur de chaussures, la reconversion !?
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