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Marathon de Paris : Yohan Durand a vaincu sa peur

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Poste Le 12 avril 2015 par adminVO2

Après une première carrière sur piste, le marathon de Paris marquait les débuts de Yohan Durand, 28 ans, sur la distance mythique. Après une préparation bien menée, le Bergeracois a terminé 15e en 2h14’00’’. Récit et impressions.
Les secondes s’égrènent. Voilà près de trois minutes qu’Abdellatif Meftah a franchi la ligne d’arrivée, minima pour les championnats du Monde de Pékin en poche. Yohan Durand apparaît en bout de ligne droite. « Quand je passe au 42e, je vois qu’il me reste 33 secondes pour faire 2h14’. Je me suis dit : “195 m en 33 secondes, c’est le moment de sortir le finish du coureur de 5 000“ ».
Le Bergeracois sprinte alors et coupe la ligne en 2h14’00’’ tout pile. Contraste saisissant avec la majorité des autres coureurs qui en terminent : il file à toute allure sur une vingtaine de mètres avant de poser les mains sur ses genoux. Encore frais, visiblement.
Ce n’est pas qu’une impression, même si « trois minutes plus tard », les jambes lui rappelleront qu’il vient d’achever son premier marathon…

Photo Yves-marie Quemener
Photo Yves-marie Quemener
Sur le ton de la boutade, il se marre une grosse demi-heure après l’arrivée, assis sur un petit grillage, alors que la chaleur se fait de plus en plus sentir : « Je suis prêt pour en faire un deuxième ». Plus sérieusement : « Je suis fatigué musculairement mais sinon j’étais super bien. Je suis vraiment content car je n’ai jamais souffert pour un premier. Le lièvre nous a bien amené, en 1h06’04’’. Et derrière, je fais la deuxième partie, qui est un peu plus dure, tout seul. C’est vraiment encourageant pour la suite ».

« Je serais certainement plus libéré sur le second »

L’athlète coaché par Pierre Messaoud est soulagé,et savoure. En dépit d’une préparation rondement menée et de très grosses sorties à l’entraînement (lire ici), il redoutait ce premier marathon. « J’avais vraiment peur de ne pas être bien » avoue-il. « Beaucoup de gens m’ont dit : “tu vas voir, le marathon, c’est vraiment autre chose etc…“ Le marathon n’est pas une science exacte. Tu as beau avoir réussi ta prépa, le marathon c’est le jour J  Cette dernière semaine, il y avait beaucoup de stress et d’envie d’en découdre. Ce n’es pas évident : tu ne fais que du jus et tu as l’impression de ne plus t’entraîner. Sur le second, je serais certainement plus libéré. Je m’étais mis une barre psychologique où la distance et la course en elle-même me faisaient peur. Peut-être que je n’ai pas pris de risques à cause de ça » relève t-il.
Ainsi, au 9e km, il se trouvait dans le groupe d’Abdellatif Meftah, avant de le laisser filer quand celui a accéléré. « J’ai préféré rester avec le lièvre sur 1h05’30’’ 1h06’ ».

 MarathondeParis162

Dans le train, vendredi, il confiait entre deux gorgées de jus de betterave  (dans le cadre du régime dissocié effectué la dernière semaine sur les conseils de Denis Riché) cette peur de souffrir au regard de la distance. « Si ça arrive au 25e km, il en reste 17… »
Jeudi, à J-3, les sensations n’étaient pas au rendez-vous sur les lignes droites. « Je suis un coureur de 5 000 et tu essaies toujours d’être dynamique. Là, je n’étais pas frais sur les lignes ».
Le doute, l’appréhension sont là, insidieux. Vendredi, toujours dans le train, Yohan Durand tentait de rassurer par tous les moyens. Par exemple en sortant de son sac à la virgule l’ouvrage Champion dans la tête de François Ducasse et Makis Chamalidis…
Ce manque de sérénité s’explique sûrement  à l’aune des blessures ayant jalonné le fil de sa carrière ces deux trois dernières années, déboires ayant motivé sa décision de monter sur marathon.
Et l’attente la veille de la course ? « Hier, c’était pareil. Le dernier jour, ça paraît… » débute le vice-champion d’Europe espoir du 1 500 m en 2007, qui ne termine pas sa phrase. « Sur marathon, tu dois gérer pas mal de paramètres, tout ce qui est autour, comme les ravitaillements etc… Je suis content car je me suis bien ravitaillé. J’ai pris tous les bidons, un gel, et je n’ai pas eu de coup de barre ».

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Il connut sa seule frayeur au 4e km. « Au niveau de la Bastille, le cœur a commencé à s’accélérer. Il y avait du monde, on arrivait à la zone de ravitaillement et ça commençait à s’exciter un peu. Avec le public et tout, le cardio est monté. Je me suis dit que si je commençais à être dans le rouge à 38 km de l’arrivée, ça allait être compliqué. Et ça s’est ensuite régulé. Puis toute la partie avec le lièvre, j’étais vraiment bien. J’ai alors su que j’irai au bout, avec un chrono correct » confie Yohan Durand. « Oui oui, j’ai vraiment pris du plaisir. Je pense qu’on en prend quand on ne finit pas à l’agonie et à l’arrache ».

« Il faudra prendre des risques » 

Le deuxième 42,195 km devrait avoir lieu à l’automne. Avec les minima pour les JO dans le viseur, qui devraient tourner aux alentours de 2h11’ ?
« Le but sera d’essayer de me rapprocher des 2h12’00’’. Puis des 2h11’. J’ai appris sur le premier. J’ai vu que j’en étais capable. Ça m’a rassuré. Je suis revenu à mon meilleur niveau. Je termine en étant bien. Il faudra prendre davantage de risques, comme Ben Malaty (pour 2h13’15’’ en 2012 et 2h12’00’’ en 2013, ndlr) qui était passé les deux fois en 1h05’. Il faudra passer sur ces bases là ».
Toujours mesuré, Yohan Durand a exorcisé ses peurs : il a passé une à une les étapes de sa reconstruction : se soigner, d’abord ; bien se préparer, ensuite ; matérialiser le jour J, enfin. Même si sa performance parisienne est perfectible, il a appris, emmagasiné de l’expérience : son virage vers le macadam a (vraiment) pris corps avec ce premier marathon terminé. Son horizon est bleu, comme la ligne qu’il vient de sillonner deux heures durant…

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