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Houilles en haut de l’affiche

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Poste Le 16 décembre 2016 par adminVO2

La corrida de Houilles est consubstantielle à son affiche, créée chaque année par des artistes de renom. Explications avec Alexandre Joly, l’instigateur de cette heureuse démarche.
A Houilles, il n’y a pas que les coureurs qui vont au charbon. Les artistes aussi mouillent le maillot. Ils sont sollicités pour dessiner l’affiche officielle de la course, et ce depuis 1972 et la création de l’épreuve, mise sur pied sur le modèle de la corrida de Sao Paulo, née en 1925 et qui connaît depuis moult zélateurs.
Le créateur de la corrida de Houilles Alexandre Joly, également maire de la commune des Yvelines (30 000 habitants) depuis 1995, raconte : « Je faisais moi-même du sport dans les années 70. La corrida de Sao Paulo me faisait rêver. Elle partait le 31 (décembre) à minuit moins dix et arrivait l’année d’après. C’était plus compliqué avec la température de le faire à Houilles. Je courrais en corporatif avec les sapeurs pompiers. J’avais organisé un cross où l’on avait fait une animation et ça avait attiré du monde. Un jour, les commerçants m’ont demandé une idée d’animation pour la fin de l’année, et on a donc fait une première corrida ».
« Qu’est ce qui peut faire qu’un public qui ne connaît pas l’athlétisme puisse venir ? »
Une corrida qui s’inscrit dans un cadre plus global, et qui n’a pas trait uniquement au sport. « Je trouvais qu’il n’y avait pas beaucoup de monde sur les stades. Il n’y avait que ceux qui aimaient l’athlétisme. Hormis quand les locomotives Michel Jazy et Michel Bernard étaient présentées sur de grosses affiches (à la fin des années 50- années 60). La base du marketing est d’avoir entre guillemets un bon produit –je n’aime pas ce mot- et de le valoriser. De le projeter à bout portant dans la cité. Qu’est ce qui peut faire qu’un public qui ne connaît pas l’athlétisme puisse venir ? C’est de faire une grande fête, de mettre de la musique autour, de faire un parcours complètement sonorisé, qu’il y ait un parrain ou une marraine, puisqu’on a eu (Michel) Drucker, (Patrick) Sabatier, Thierry Roland, (Bernard) Hinault. On a en même temps voulu que ça soit un vrai spectacle, gratuit entre Noël et le jour de l’An, et sur un temps relativement concentré, en trois heures. Ça ressemble à une dramaturgie de spectacle : il y a un départ lent (la course populaire), une apothéose (la course Elite) et on termine par un feu d’artifice. Le sport, c’est la vie et c’est la fête » expose Alexandre Joly.
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Et très vite, l’idée de l’affiche s’est inscrite dans ce cadre. « En 1972, on avait fait des affiches avec un petit logo pour simplement que les gens la reconnaissent. Mais c’était simplement deux cercles entrelacés » se remémore l’ancien patron d’une société de spectacle pyrotechnique et d’évènementiel. « Et puis pour la troisième corrida, en 1974, Michel Jazy  m’a fait connaître un artiste, Luigi Castiglioni, qui est devenu à la fin de sa vie Mansonien (habitant de Maisons-Laffite, dans les Yvelines, ndlr) ».
Castiglioni, le précurseur
Le début de l’histoire entre affichistes de renom et la corrida de Houilles. Car Castiglioni est une sommité dans son domaine : lauréat du Grand Prix Martini en 1969 pour l’œuvre « Music Hall, les Beatles », il a conçu nombre d’affiches publicitaires, et s’est fait connaître dans le milieu sportif en 1972 par le biais de l’affiche annonçant le combat pour le titre de champion du Monde de boxe des poids moyens entre Carlos Monzon et Jean-Claude Bouttier.
Au total, le natif de Milan a crée plus de 300 affiches, en majorité pour le sport et les causes humanitaires. « Il avait un style, comment dirais-je, très explosif, comme un feu d’artifice. C’est lui qui nous a fait les affiches pendant une dizaine d’années » souligne Alexandre Joly.

Affiche de Luigi Castiglioni
Affiche de Luigi Castiglioni
« Oui, au début certains artistes étaient surpris. Pas Castiglioni, car c’est lui qui a débuté et qui a en quelque sorte donné le tempo. Une fois que l’on demande à d’autres artistes de venir dans sa foulée, c’est quand même plus facile ».
Ensuite, « il y a eu un certain nombre d’affichistes de renom » reprend le créateur de la corrida de Houilles, dont le palmarès épouse l’aura de certains de ses affichistes (le champion d’Europe puis champion olympique du 3 000 m steeple Bronislaw Malinowski en 1974, Jacky Boxberger, vainqueur à quatre reprises, le Marocain Khalid Skah huit fois, un certain Haile Gebrselassie en 1995, pour ne citer qu’eux).
« C’est la seule collection en affiches quadrichromie dans le monde de l’athlétisme ayant 40 ans de bouteille » assure Alexandre Joly. « Il y a eu (Alain) Gautier, Grand Prix de l’affiche (1988 et 1991), Pierre Eteix, Ibara, et là Léo Kouper, un jeune homme de près de 89 ans, qui a fait les affiches pour les films de Charlie Chaplin lorsqu’ils passaient en Europe (voir son interview ici) ».
« Je crois que tout ce qui est esthétique fait partie du sport »
Dresser un parallèle entre sports et arts relève souvent de la gageure. Pas pour Alexandre Joly. « L’art, c’est aussi la beauté de la vie. C’est une philosophie » indique t-il, en faisant écho à la marraine 2015, l’actrice Léa François qui campe Barbara dans le feuilleton Plus Belle La Vie. « Plus belle la vie, plus belle la ville. Je crois que tout ce qui est esthétique fait partie du sport. D’ailleurs, même si le visage avait changé, l’une des affiches avait repris la foulée de Jules Ladoumègue (demi-fondeur français très populaire des années 1920-1930, auteur de six records du Monde avant sa radiation par la Fédération pour violation des règles de l’amateurisme, ndlr). Je trouve que ça se marrie bien ».
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Si bien que plusieurs affiches sont exposées dans quelques musées, notamment au musée du sport –déplacé à Nice depuis 2014. Du fait du prestige de Castiglioni, « je crois même qu’il y en a une qui est dans un musée à New York » glisse Alexandre Joly. « La plus belle affiche ? C’est délicat à dire. De cœur, Castiglioni qui n’est plus là et qui a fait le plus grand nombre d’affiches a une place particulière, mais les autres aussi. Comme Pierre Eteix, qui dessinait un peu moins, et qui nous fait une affiche. Ou Léo Kouper, qui pourrait se reposer -il le mériterait- et qui nous fait un clin d’œil en nous faisant une affiche (pour l’édition 2015, ndlr). En parallèle de cette grande fête populaire et de ce palmarès qui est l’un des plus beaux du monde, on a aussi mêlé l’art ; le papier cadeau, c’est l’affiche de la corrida qui est faite tous les ans ».
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A lire également : l’interview de l’affichiste Léo Kouper.
Texte : Quentin Guillon.

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