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Jérémy Jolivet : « Je me suis découvert de nouvelles jambes »

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Poste Le 25 mars 2016 par adminVO2

INTERVIEW DE LA SEMAINE. Jérémy Jolivet, 30 ans, s’est classé 7e Français aux France de cross au Mans, dans la foulée d’un stage de trois semaines au Kenya où il a pu vivre comme un athlète de haut niveau (avant de faire 30’21’’ sur 10 km en solo le week-end dernier à Villeurbanne : « je cherchais une course pour faire 29’45’’, mais je me suis retrouvé seul au bout de quelques centaines de mètres et ça m’a finalement vite coupé dans ma motivation ; ça prouve bien que je suis pas mal et que j’ai passé un cap car sans trop me donner je fais 30’20’’ ; j’étais un peu frustré et déçu » commente t-il).
Car sinon, au quotidien, concilier entraînements et vie professionnelle représente une vraie gageure pour l’ingénieur technicien chargé de mission à Bourges (Cher) auprès de l’agence de l’eau et du syndicat de la vallée de l’Yèvre. Le meneur d’allure métronome (lire ici) va-t-il désormais se focaliser sur ses propres ambitions ?
Votre performance en impressionné plus d’un aux France de cross, le 6 mars dernier (11e et 7e Français). Et vous ?
Un mois avant, si on m’avait dit que j’aurai fait cette perf là, je ne l’aurai pas cru et j’aurai ri. En fait, tous les congés que je n’avais pas pris en 2015, je les ai pris pour partir en stage au Kenya avec la “Clermont Team“ (avec notamment Timothée Bommier, Badredine Zioini, le coach Jean-François Pontier, également manager du hors stade à la Fédération, ndlr). C’était un stage qui me servait à la fois pour prendre des vacances, bien me reposer, et découvrir le Kenya –j’avais envie d’y aller au moins une fois dans ma vie.
J’aime voyager, découvrir de nouvelles cultures. Ma compagne m’a accompagné 15 jours. C’est une autre approche de la vie, tout simplement. On prend du recul sur pas mal de choses qu’on vit ici. Ça nous a beaucoup touchés et beaucoup plu.
Au Kenya, je me suis vite libéré du poids quotidien du boulot et de la morosité ambiante. En quelques jours, en passant des bonnes nuits, en mangeant bien, en me reposant bien et dans une bonne ambiance, je me suis découvert de nouvelles jambes. On me disait d’y aller tranquillement, que la charge d’entraînement allait vite se faire sentir. Finalement, les kilomètres et les séances passaient et j’étais de mieux en mieux. Au bout d’une semaine, je n’étais plus le même, je faisais des séances que jamais je n’aurais pu faire. Je jouais à la course à pied.

Photo France Cross 2016-121
Jérémy Jolivet (à droite) aux côtés de Romain Courcières (Photo Yves-Marie Quemener)
Ça devait être grisant ?
Carrément. C’est déjà grisant car il fait super beau, tu as plein de coureurs, tu as la banane. Au fur et à mesure, je me suis dit : “tiens, je ferais bien un top 30 aux France“. Les jours passent, Badre et Tim commencent à me dire : “tu ne te rends pas compte, tu vas démonter tout le monde aux France“. Après c’est grisant dans le sens où ils commencent à te motiver, en te disant, « tu peux faire un podium ».
C’était mon premier France de cross sur le long. Ça fait quelques années que je disais à Jeff que ça me disait bien de faire le long. Je restais à chaque fois sur le court plus pour l’équipe (vainqueur par équipes sur le court en 2015) alors que je faisais aussi du 800 – 1 500.
Aux France, j’étais finalement frustré. Car je déteste la boue et je perds finalement du terrain sur ces gros secteurs. Si vraiment le parcours avait été plat (sans boue) – il y a toujours des si- j’ai l’impression que j’aurais été capable de faire un hold up.

« J’ai l’impression de constamment m’entraîner depuis des années en surfatigue »

En temps normal, vous vous entraînez combien de fois par semaine (l’interview a été réalisée jeudi 24 mars vers 18 heures, et Jérémy Jolivet n’était pas sûr de pouvoir s’entraîner le soir, puisqu’il avait encore plusieurs dossiers à terminer…) ?
Environ six- sept fois par semaine, le soir assez tard. Mais des fois, il y a peut-être la moitié de l’entraînement qui s’avère plus néfaste qu’autre chose. J’ai l’impression de constamment m’entraîner depuis des années en surfatigue, avec une torpeur, une fatigue chronique qui s’installe.
Tu es dans le train-train de l’entraînement. Tu t’entraînes, tu ne sais pas trop pourquoi. Oui, c’est parfois lassant. C’est finalement une habitude d’entraînement qui s’est ancrée. J’aime ça (la course à pied), mais il n’y a pas de réel objectif, tu ne te projettes pas sur une performance que tu t’es fixé à l’avance. Après, tu as quand même quelques objectifs, notamment par équipes, les France de cross, les Interclubs. Et des fois, tu fais ta petite perf : je m’étais par exemple qualifier aux Elite l’an passé (sur 5 000 m), c’est suffisant pour se dire, allez je continue un petit peu, mais c’est vrai que tu te dis souvent : “je lâche l’affaire“, ou je fais le footing sans vraiment le faire, un peu à l’arrache.
Je connaissais entre guillemets mes capacités mais je ne m’attendais pas à faire ça.

Photos Annelise Pradal (parues sur le Facebook de Jérémy Jolivet)
Photos Annelise Pradal (parues sur le Facebook de Jérémy Jolivet)
Justement, envisagez-vous de mettre l’accent sur l’athlétisme au détriment de votre carrière professionnelle, avec par exemple des Europe de cross dans le viseur (son coach Jean-François Pontier a souligné au Berry Républicain –lire l’article ici– : «  Ce séjour (au Kenya) a été super positif pour lui. Il a réussi à élever son niveau de façon très significative. Cela laisse entrevoir des possibilités importantes pour lui. Il n’est pas trop vieux (rires), il a encore le potentiel pour faire de bons résultats sur 5 000 m. Avec un investissement identique, sur les deux années à venir, il peut viser un grand championnat que ce soient les Mondiaux de cross ou même sur piste. Il doit déjà avoir pour objectif de se qualifier pour les Europe de cross dès l’an prochain. Je ne lui vois pas de limites sur les progrès qu’il peut faire, mais il a une vie professionnelle prenante. Il faut qu’il voie s’il peut s’organiser différemment. Il ne faudrait pas qu’il gâche tout ça ») ou pas, comme vous l’expliquiez en 2014?
Je suis toujours dans la même optique. Ça me plaît, je travaille beaucoup et par conviction. Mais par contre, on s’est dit avec Jeff d’essayer déjà de mieux récupérer, de voir avec mes supérieurs pour essayer de travailler autrement. On étudie tout ça. Le résultat des France me motive pour cet été. Faire moins de 14’ au 5 000 m ne me paraît pas inconcevable (son record : 14’23’’09 en 2015, ndlr). Mais je ne vais pas partir en stage comme là au Kenya. Je ne sais pas si je vais être capable de réitérer cette performance.
Interview : Quentin Guillon.
Photo de une : Jérémy Jolivet devant Vincent Luis et Romain Courcières aux France de cross (Photo Yves-Marie Quemener).

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