Athlétisme

Yoann Kowal, une maturité nouvelle ?

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Poste Le 16 février 2016 par adminVO2

ENTRETIEN DE LA SEMAINE. Yoann Kowal, actuellement en stage au Kenya jusqu’à la fin février, évoque sa très récente paternité et sa préparation pour les Jeux Olympiques.
Pékin, expérience utile?
En dépit d’une course très propre, Yoann Kowal n’avait pas passé le cut de séries très relevées aux Mondiaux à Pékin, pour treize petits centièmes« La plus grande frustration, c’est quand tout le monde te dit : “ il n’y a pas de regrets à avoir“. C’est une bonne expérience, et je préfère l’avoir vécue aux Mondiaux qu’aux Jeux. Ça me servira d’expérience, pour être plus intelligent et plus fort. Si ça se reproduit, pourquoi pas emmener le premier 400 d’une série (pour se donner plus de chances de se qualifier au temps), ça ne va pas me tuer. J’ai fait 8’23’’ tout seul au Décanation (8’23’’37 en 2012 à Albi) ».
Une longue fin de saison
Dans la foulée du rendez-vous chinois, le champion d’Europe 2014 n’a pas pour autant stoppé sa saison, enchaînant avec d’autres Mondiaux, militaires cette fois-ci, près de deux mois plus tard en Corée du Sud, où il a obtenu le bronze.
« Je m’étais bien préparé. La preuve, je fais 8’26’’ (71) en finale sur une course tactique, alors qu’on était début octobre. En finale, ça s’est joué au mental. Celui qui gagne, Ben Yahia (Amor Ben Yahia, Tunisien licencié à Haute Bretagne Athlétisme et vainqueur en 8’24’’68, ndlr), je l’ai déjà battu et il a été plus intelligent. J’ai été un peu spectateur de la course, je n’ai pas tenté, ni attaqué, et je pense que j’aurais pu aller chercher quelque chose de mieux sur le dernier 400. La saison était vraiment longue mais c’était quand même une belle 3e place ». Dans la foulée, l’athlète coaché par Patrick Petit-Breuil s’est octroyé une bonne et bien méritée coupure.
Récente paternité
De quoi profiter pleinement de l’arrivée d’une petite Eléa fin novembre. « On prend conscience des choses de la vie. L’accouchement d’une femme, la souffrance que çà provoque, c’est aussi du sport de haut niveau. Tu te dis que tu ne souffres pas forcément tant que çà sur des séances. Je pense que l’on peut contrôler le corps et faire des choses phénoménales avec le mental. J’essaie vraiment de m’aider en utilisant tout çà. Cela donne une maturité supplémentaire » souligne l’athlète de 28 ans.
Houilles, la défaillance
Contrairement à l’an passé, pas d’indoor cet hiver pour Yoann Kowal, qui a privilégié le foncier du fait de sa reprise tardive. Il était encore trop juste à Houilles fin décembreoù la fin de course fut particulièrement difficile (31’14’’ au final). « Patrick m’avait annoncé moins de 30’, et je visais 29’30. Je suis parti trop lentement (3’03’’) puis j’ai relancé trop fort. J’y ai laissé une énergie folle alors que je n’avais pas le niveau pour faire une telle relance. Je suis sur les bases de moins de 30’ jusqu’au 6e, puis j’ai une défaillance sur les quatre derniers kilomètres. Par respect pour l’organisation et toute l’équipe qui nous avait accueillis, j’ai fini comme j’ai pu. Il n’y a pas grand-chose à retenir, sinon que c’était une étape dans ma préparation. Ça fait aussi du bien de prendre des claques comme çà. J’ai ensuite écrit à l’organisateur (Patrick Cadiou) pour m’excuser. Je n’étais pas venu les mains dans les poches et je voulais faire moins de 30’. Quand je m’aligne sur une compétition, c’est avec un objectif. Ça fait plaisir d’avoir des organisateurs qui soutiennent les Français. Je fais cette corrida chaque année et j’espère bien y retourner pour faire moins de 29’ » relate le Périgourdin, qui avait d’ailleurs battu son record personnel à Houilles (29’01’’ en 2011).
« Egoïste tout en étant proches »
Le tout jeune papa n’a pas modifié certaines de ses habitudes : il s’est envolé pour un premier stage de deux semaines en janvier en Afrique en Sud, partageant plusieurs séances avec notamment Mahiedine Mekhissi, Florian Carvalho, Taoufik Makhloufi, avant d’enchaîner dans la foulée trois semaines au Kenya (jusqu’à la fin du mois). Loin donc de sa femme Marianne et d’Eléa
« Heureusement qu’il y a internet et les nouvelles technologies ! Je me dis qu’Eléa me distingue, comme çà je passe un moment avec elles. Ça vaut tout l’or du monde. Il faut être égoïste tout en étant proches. C’est un “jumelage“ dur à réaliser, mais je suis obligé d’être égoïste pour être performant aux Jeux. Après, je quand je suis là, je m’en occupe un maximum la journée. Mais j’ai une femme qui est exceptionnelle. C’est horrible et je n’aime pas dire çà, mais je ne me suis jamais levé la nuit. On a entre guillemets conclu un contrat ensemble. C’est elle qui encaisse tout. Elle m’a dit : “je la porte neuf mois, je galère à l’accouchement, je me lève la nuit et on me dit qu’elle a le visage de son père !?“ » se marre t-il.
Foncier et aquajoging
Son cycle de foncier se terminera à la mi-mars (il pourrait courir les 10 km de Saint-Médard le 13 afin de valider ce travail), et il attaquera alors le spécifique lors d’un stage au Portugal. Si la trame de son entraînement n’a pas été bouleversée, quelques ajustements ont été effectués. Ainsi, Yoann Kowal cale une séance d’aquajoging et une de vélo sur home trainer dans sa semaine type (lorsqu’il est en France).
« C’est un bon complément : le corps en général travaille, sans aucun impact. Et tu récupères super bien. L’autre modification, c’est que je fais une technique haie avant chaque séance de piste. Pour garder cette mémoire de barrières, ne pas être complètement désorienté et ne pas retravailler des haies du jour au lendemain ».
La médaille à Rio, le rêve fou
Dans la foulée d’un stage de trois semaines à Font Romeu en mai, il attaquera sa saison par un 1 500 m à Périgueux le 28, histoire de se mettre en jambes. Avant de faire sa rentrée début juin sur le 3 000 m steeple, dans l’optique de se débarrasser des 8’22’’00 qualificatifs pour les Jeux. Place ensuite aux France puis aux Europe à Amsterdam (6-10 juillet), où il prévoit d’être à « 80, 90 % » de sa forme et visera une médaille.
Avant donc Rio (12 au 21 août). « Je rêve d’une médaille olympique. C’est peut-être fou, certains diront que c’est infaisable. Mais (c’est possible) si j’arrive à claquer moins de 8’10 dans la saison ou que je les vaux (son record : 8’12’’53 en 2013). Et si je n’y crois pas et si je n’ai pas d’ambitions, je ne me lève pas tous les jours pour aller m’entraîner ».
Texte : Quentin Guillon.
Photo : Yves-Marie Quemener.

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