Yoann Kowal, l’énorme frustration
Yoann Kowal n’a pas passé le cut des séries sur le 3 000 m steeple. Pour treize petits centièmes. Tellement frustrant !
A quoi tient une saison ? Que valent treize centièmes à l’aune des kilomètres avalés, de la souffrance endurée à l’entraînement, de l’investissement réalisé durant ces mois de préparation, de l’Afrique du Sud aux Etats-Unis en passant par Font-Romeu pour la préparation terminale ? Pourquoi tant d’efforts pour, in fine, ne pas avoir pu totalement s’exprimer sur la piste ?
Ces interrogations doivent dévorer le cerveau Yoann Kowal. Le champion d’Europe du 3 000 m steeple était le premier Français à se lancer dans ses championnats du Monde de Pékin. Trois séries, les trois premiers plus les six meilleurs temps qualifiés pour la finale.
Le Périgourdin se trouve dans la première, dense. « J’ai eu un gros coup de stress en entrant dans la chambre d’appel. Ça a duré une petite minute et je suis ensuite passé en mode “machine de combat“. Je suis entré dans le stade focalisé, vraiment prêt, serein » raconte en zone mixte le 8e des Mondiaux de Moscou.
La course part sur des bases éminemment lentes. « Quand j’ai vu 1’20’’ au premier 400, je n’ai pas paniqué. Je pense que la gestion mentale et physique était parfaite » glisse, affûté, l’athlète coaché par Patrick Petit Breuil.
3’07’’ aux 1 000 m, c’est sûr, il faudra prendre l’une des trois premières places pour rallier la finale. Il refait la course. « C’était des allures de cadet. Ça relance le dernier mile puis le dernier 400. Mais je ne panique pas. Je suis bien ».
« Je n’ai pas montré mon niveau »
Yoann Kowal avait dit qu’il était prêt (lire ici) après plusieurs sorties en demi-teinte. Il l’était. Témoin son dernier tour, où il fit montre de ses capacités actuelles. Technique parfaite sur les obstacles, il entama la dernière ligne droite dans le top 3, au contact d’ Evan Jager, gros challenger des Kényans (l’Américain fut lui aussi tout proche de passer à la trappe ; 2e en 8’41’’51) fort de ses 8’00’’45 à Areva (en tombant) et 3’32’’97 sur 1 500 m cette année, et de Conseslus Kipruto, l’un des favoris (vainqueur en 8’41’’41)
Mais le Français se fit finalement déborder par le Canadien Matthew Hugues (6e des Mondiaux de Moscou) dans les derniers mètres : 8’41’’52, contre 8’41’’65 pour Kowal.
« Je fais une grosse dernière ligne droite mais ils sont plus forts sur ce rythme là. J’ai beaucoup de regrets. Je n’ai pas montré mon niveau. J’étais vraiment confiant et costaud. Ce n’est pas une défaillance ni physique ni de la tête. Je pense qu’il n’y a pas de point négatif au niveau de ma gestion ou de ma technique. Sur ce type de course, ils étaient plus forts. Le point positif, entre guillemets, c’est que j’étais à la lutte avec Jager et Kipruto sur le dernier 200. Mais je ne montre rien de ce que je vaux. Je ne voulais pas trop le dire avant le championnat mais je pense que je suis capable de courir sur moins de 8’10’. Une finale sur des bases rapides m’aurait convenu. C’est vraiment rageant ».
« Je vais déjà aller pleurer tout seul »
A posteriori, aurait-il dû relancer l’allure en début de course ? « 1’20’’ aux 400, c’était trop tard. A moins de relancer vraiment comme un cinglé au risque de m’user plus. Mais j’étais serein et vraiment bien dans la course ».
Il courra en Ligue de Diamant à Zurich le 3 septembre prochain. Dans quel état d’esprit ? « Je vais déjà aller pleurer tout seul. Non, je ne sais pas ce que je vais faire. Franchement, je n’ai rien montré de ce que je peux faire. Ça fait huit jours qu’on est là. Tout était bien : je ne mange que du riz et du poulet ; il n’y a pas un extra, je ne fais que me reposer. Quand tu te mets en mode compète comme çà, et qu’il manque un dixième de seconde, qu’est ce que tu veux faire ? Me remettre dedans pour Zurich va être dur ».
Zurich où il y a un an, la réussite avait été de son côté : tout proche de se trouer en séries, il avait ensuite brillamment glané la médaille d’argent, puis l’or suite à la disqualification de Mahiedine Mekhissi. A quoi tient une saison…
Les résultats des séries du 3 000 m steeple : cliquez-ici.
Patrick Petit-Breuil : « Je sais ce qu’il vaut »
Patrick Petit-Breuil va s’escrimer à remobiliser Yoann Kowal, en vue du meeting de Zurich le 3 septembre :
« Je n’ai rien à lui reprocher. 1’20’’ au premier 400, 3’07’’ aux 1 000 m, j’étais fou ! Ça doit être la série la plus lente de l’histoire. Il a fait le boulot. Mais le but est de rebondir. Il ne faut pas qu’il reste sur çà. Il est vraiment en très bonne forme. Je sais ce qu’il vaut. On va s’entraîner, avec une grosse séance mardi. Ce matin (samedi, après la série), ça n’allait pas. Il voulait rentrer. Mais on va s’entraîner ici pépère, un footing de récupération demain (dimanche) et une grosse séance mardi (le retour en France est programmé pour mercredi, ndlr). Il est vraiment très bien, ça se voit sur la course ».