Athlétisme

Morhad Amdouni, une volonté à toute épreuve

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Poste Le 29 mai 2015 par adminVO2

Morhad Amdouni a signé un probant retour sur le tartan lundi 25 mai à Rehlingen en Allemagne. Peut-être bien la fin d’une longue parenthèse marquée par les blessures et le début d’un autre chapitre pour le champion de France de cross 2011. Un retour qui met en évidence son mental d’airain, après tant de galères. 
La course à pied, l’école de la vie (sous-entendu de la persévérance), entend-on souvent. Ce pourrait être un sujet de philo pour le prochain BAC, et il serait de bon aloi que les apprentis philosophes citent Morhad Amdouni pour illustrer cet axiome. Car le natif de Porto-Vecchio, 27 ans, a enchaîné les (très) gros pépins physiques.
Accrocs à l’été 2010, saison estivale 2011 blanche, tout comme en 2012, le tendon qui hurle, une seule course en 2013 (les 10 km de Paris-Centre) puis la rechute l’an passé, au genou cette fois-ci (fissure du tendon rotulien, il n’est pas passé loin de l’opération) et une nouvelle saison blanche. Avant un retour lors de la corrida d’Issy-les-Moulineaux en décembre dernier et une victoire ex aequo avec Denis Mayaud.
Puis Morhad Amdouni subit un nouveau un coup d’arrêt avec un souci au mollet. On serait tenté d’écrire que ce n’est rien au regard de ses déboires passés… C’est pourquoi son coach Jean-Claude Vollmer relève aujourd’hui : « Je touche du bois. Ça fait un mois et demi qu’il n’a pas de pépins ».
Il dispute quand même les régionaux et inters de cross avant de s’envoler un mois et demi durant au Kenya (« ça m’a fait un bien fou » relève t-il), faisant donc l’impasse sur les France de cross -lui le champion de France 2011 au terme d’un sprint homérique face à Hassan Chahdi-, « pas l’objectif de la saison » dit-il.
Son entraîneur avoue cependant. « On a eu un petit différent. Je voulais qu’il les fasse. Je lui ai dis. Je pense qu’il s’est un peu dégonflé. Il n’était pas prêt, c’est une évidence. Il veut courir que lorsqu’il peut gagner. Il faut aussi qu’il apprendre à perdre. Ça passera forcément par là ».
Ce lundi 25 mai, les observateurs avertis auront donc noté au meeting de Rehligen les 1’59’’39 de Rénelle Lamote sur 800 m, mais aussi la victoire de Morhad Amdouni sur 1 500 m, plus de trois ans et demi après avoir chaussé pour la dernière fois les pointes sur le tartan.

« Physiquement et dans la tête, j’ai pris cher »

« Ce n’était pas évident dans ma tête de pouvoir gérer tout ça. Je suis content de ma victoire et c’est super. Je n’avais pas démontré mon potentiel sur 1 500 m. J’ai fait champion de France junior sur 1 500 m en battant Florian Carvalho (1), qui a ensuite fait finaliste sur 15 aux championnats du Monde (à Moscou en 2013, ndlr), et qui a fait 3’33’’ » se remémore Morhad Amdouni.
« J’avoue que je n’étais pas trop bien avant. Sur la ligne de départ, je me suis dit qu’il ne fallait pas lâcher, que j’étais le meilleur, et que c’était maintenant mon jour, qu’il n’y a pas de place pour les plus faibles. Après, je suis passé au-delà de la souffrance, je me suis battu et c’est ressorti sur la course ».
Trois ans et demi… Oui, le sociétaire du Val d’Europe Athlétisme -son club qu’il tient à remercier pour son « soutien »– a redouté que sa carrière ne reprenne pas.
Derrière les mots, on perçoit une indicible souffrance. « La peur, oui oui, on a tous peur » souffle t-il. « Je me suis dit que ça serait difficile de pouvoir reprendre. Physiquement et dans la tête, j’ai pris cher » confie celui qui a pu compter sur son groupe d’entraînement à l’INSEP (avec notamment Hassan Chahdi et Bryan Cantero), où il se trouve depuis la rentrée 2013. « On s’entend super bien. Ils m’ont motivé, soutenu. Pourtant, l’athlé c’est ingrat. Ils auraient pu faire leur truc, mais ils étaient là à dire : “il ne faut pas que tu te décourages, tu vas y arriver“ ».

« Ah c’est très agréable. Très très agréable de pouvoir courir en paix »

Les douleurs se sont aujourd’hui estompées. Décuplant la joie d’Amdouni de s’exprimer (enfin) librement. « Ah c’est très agréable. Très très agréable de pouvoir courir en paix », glisse t-il, d’un ton subitement apaisé, comme pour marquer son soulagement.
Ce retour sur le tartan met aussi en exergue un mental indéfectible, tant pour remonter la pente que se sublimer en compétition. « Par moment, c’était désespérant. Dès qu’il revenait un peu, il se refaisait mal. Ça été deux années longues. Là, c’est déjà super qu’il puisse recourir, se réentraîner, se faire plaisir. Je pense qu’il arrive à se transcender en compétition. C’est assez impressionnant. Même sur certaines séances, il est dedans comme s’il jouait sa vie. Ça, il l’a toujours eu. 3’40’’ c’était de l’ordre de l’attendu. Et il gagne, c’est plutôt très bien » glisse son coach.
On sent aussi que le chrono satisfait le champion de France de cross 2011, mais qu’il peut (et veut) aller plus vite. « Il y avait (derrière lui, ndlr) des athlètes qui ont déjà couru en 3’33-3’34’’. C’est quand même le niveau international. Je reste optimiste et il faut continuer à bien travailler ».
Il sera en lice ce samedi 30 mai à Oordegem en Belgique, toujours sur 1 500 (de même que Bryan Cantero ; précédant un enchaînement à Marseille le 6 juin ou à Montreuil le 9), avant de s’aligner sur 5 000 m un peu plus tard dans la saison. Les grands championnats (Pékin cet été et les JO de Rio en 2016) sont forcément ancrés dans son esprit.
Cependant, avant de se projeter, d’abord savourer ces foulées à pleine vitesse et ces sensations de légèreté, ce bonheur de regoûter à la compétition, à l’adrénaline d’avant-course, à cette capacité recouvrée d’estoquer ses adversaires, sur une franche accélération, sans retenue et sans se retourner sur ses années galère et ce corps qui l’a tant fait souffrir. En paix.
(1) A Narbonne en 2007, Morhad Amdouni avait remporté les France juniors sur 1 5000 m en 3’49’’80 devant Otmane Belharbazi (3’50’’55) et Florian Carvalho (3’51’’66).

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