Athlétisme

Meeting Areva : Dibaba à la cycliste

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Poste Le 4 juillet 2015 par adminVO2

Au prix d’un dernier hallucinant, Genzebe Dibaba a réalisé la 4e performance mondiale de tous les temps sur 5 000 m (14’15’’41) en annihilant au passage les velléités de record du Monde d’Almaz Ayana (voire les siennes, in fine) après l’avoir laissée s’essouffler seule en tête. Récit.
Dans le jargon cycliste, on appelle ça « sucer la roue ». Genzebe Dibaba aurait voulu torpiller la tentative de record du Monde (que détient sa grande sœur, Tirunesh Dibaba, 14’11’’15) de sa compatriote Almaz Ayana qu’elle ne s’y serait pas prise autrement. Retour en arrière.
Initialement prévu à 20h30’ et quelques, la course fut repoussée dans la semaine en fin de programme en raison de la chaleur prévue sur Paris. 21h32’. Effectivement, l’air s’est radouci et l’atmosphère est davantage respirable qu’en début de soirée. L’Ukrainienne Tamara Tverdostup mène comme attendu la course. 65’’ au premier 400, un peu plus rapide que prévu. Mais le tempo diminue ensuite. 2’54’’ au premier kilo, contre 2’50’’ demandés.

Côte à côte lors de la présentation des athlètes sur la 2 CV… (Photo Jean-Marc Mouchet)
Almaz Ayana, alors en troisième position, se recale dans les pas du lièvre, dépassant la Kenyane Irène Jelegat qui devait officier en tant que seconde meneuse d’allure.  Aux 1 500 m, celle qui avait réalisé 14’14’’32 à Shanghai (3e perf de tous les temps), sans s’en rendre compte, se porte en tête. Comme on l’avait pressenti, les lièvres ne sont pas parvenues à emmener sur le tempo idoine.
Deux attaques tranchantes
Mais Ayana place une prodigieuse accélération. 64’’ entre les 1 600 et 2 000 m, atteints en 5’38’’98 ! Soit de nouveau sur les bases du record du Monde. Dans la foulée, l’Ethiopienne s’écarte et demande logiquement le relais à Genzebe Dibaba.
Après moult atermoiements la veille, il était convenu que le duo se relaie jusqu’aux 3 800 m, et après, chacun pour soi. Sauf que Dibaba, titulaire de trois records du Monde indoor (1 500, 3 000 et 5 000 m) s’est mise en mode Tour de France cycliste (pas le Tour de France en courant, lire ici).
Genzebe Dibaba, pressée par sa compatriote, prend le relais mais ralentit l’allure (Photo Jean-Marc Mouchet)
Elle boucle son tour en 1’10’’, ralentissant l’allure (bases du record du Monde à 68’’ au tour). Incapable de tenir le rythme ou veut-elle saboter volontairement la tentative de record (rappelons qu’à Oslo où elle s’était attaquée à la marque de sa sœur, Genzebe Dibaba, finalement victorieuse en 14’21’’29, avait refusé qu’Ayana participe à la course).
C’est pourquoi celle qui brilla par le passé sur steeple remet une phénoménale banderille juste avant le 3 000 m. On se dit alors que Genzebe Dibaba ne parviendra pas à suivre le tempo. Mais elle s’accroche, et, devant, Ayana tente le tout pour le tout, enchaîne les tours en solo, Dibaba accrochée à ses basques. 11’28’’ aux 4 000 m, les speakers ont beau s’égosiller, il va falloir finir fort, très fort. 2’43’’ pour être précis (remarquez, Tirunesh Dibaba avait bien fini en 2’42’’71 en 2008…), et 2’06’’ pour les 800 derniers mètres.
Almaz Ayana a repris les choses en main (Photo Jean-Marc Mouchet)
Almaz Ayana a repris les choses en main (Photo Jean-Marc Mouchet)
Le Stade de France pousse. La cloche. Soudain, Dibaba se décale, et plante une prodigieuse accélération et laisse sur place sa compatriote qui vient de se farcir presque 2 000 mètres en solitaire.
Un dernier tour hallucinant
Dans un ultime tour complètement dingue (bouclé en 61’’17) confinant à l’incrédulité, elle va cueillir la victoire et la 4e perf de tous les temps (14’15’’41) juste…derrière les 14’14’’32 d’Ayana.
L'attaque à la cloche (Photo Jean-Marc Mouchet)
L’attaque à la cloche (Photo Jean-Marc Mouchet)
« Ayana allait trop vite pour moi. C’est pourquoi j’ai fait ma course. Je sais qu’il y avait un accord prévu mais je ne pouvais suivre le rythme. Quand ce fut clair qu’il n’y aurait pas de record, je me suis concentrée sur la victoire » a tenté de se justifier après-coup Genzebe Dibaba.
De son côté, Ayana franchit la ligne en 14’21’’97. Dépitée. Sans reprendre sa respiration, Dibaba se saisit du bouquet de fleurs, se tourne vers la ligne, et fait un pas pour aller claquer l’accolade à sa compatriote.
Un peu effronté tout de même, non ?! Ayana, tête basse, l’évite en filant droit, avant de bifurquer et de filer dans les entrailles du Stade de France. Et peut-être trouver un poste de télévision où sera retransmis une étape du Tour de France et parfaire sa tactique de course. « Je suis déçue car l’accord n’a pas été respecté. J’ai fait plus de tours que ma rivale, surtout après le 2e km. Je courrai différemment la prochaine fois ».
Deuxième round à Pékin, aux championnats du Monde…
La fin de la course en vidéo :

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