Athlétisme

Les Bleus, entre nid d’ambitions et de déboires

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Poste Le 21 août 2015 par adminVO2

Les 15e championnats du Monde d’athlétisme s’ouvrent ce samedi 22 août à Pékin. Une étape très importante sur le chemin des Jeux Olympiques de Rio, qui aurait permis à l’équipe de France d’éprouver sa belle dynamique amorcée aux championnats d’Europe à Zurich au plus haut niveau mondial. Sauf qu’une hécatombe monstre est venue contrarier ses desseins.
Ouf ! Renaud Lavillenie est arrivé sans encombre à Pékin ! Pas de chausse-trappe en grimpant dans l’avion, pas de perches égarées en chemin, pas de gêne par rapport à la pollution, le recordman du Monde de la perche a même profité de la résonnance du rendez-vous mondial pour lancer son meeting international.
C’est que la liste des médaillés potentiels s’est progressivement transformée en une litanie de forfaits sur blessure. Si bien que les observateurs et autres aficionados de l’athlé ont ces derniers temps davantage eu besoin du Vidal que d’un dictionnaire chinois…
Deux des quatre médaillés lors de la précédente édition, à Moscou en 2013, ont d’abord renoncé : le champion du Monde sortant du triple saut Teddy Tamgho (rupture du tendon d’Achille) ainsi que Mahiedine Mekhissi, bronzé sur le steeple il y a deux ans (opération au pied puis rupture du tendon d’Achille).
Puis ce fut au tour d’Eloyse Lesueur  (double championne d’Europe de la longueur et championne du Monde indoor en titre), avant les forfaits d’Antoinette Nana Djimou (double championne d’Europe), de Yohann Diniz (triple champion d’Europe et recordman du Monde du 50 km marche), et de Kévin Mayer (argent à Zurich, il détient la 3e perf mondiale de l’année au décathlon) pour le plus récent !
Sans oublier les potentiels finalistes, Clémence Calvin (10 000 m), Christelle Daunay (10 000 ou marathon ; 10e du 10 000 m à Moscou et championne d’Europe du marathon à Zurich), qui lorgne un 42,95 km cet automne après une rupture partielle du tendon d’Achille mi-janvier, le prodige Wilhem Belocian, de même que Bouabdellah Tahri et Florian Carvalho, qui étaient tous les deux en lice sur 1 500 m à Moscou, et Sophie Duarte (5 000 ou 10 000 m), pas remis de son abandon à Paris lors de son premier marathon. Alors qu’Abdellatif Meftah, seul qualifié français sur la distance mythique, a aussi dû renoncer sur blessure…
Sept médaillés (dont cinq en or) de Zurich absents
Par rapport aux 23 médailles –dont neuf en or- bilan record enregistré il y a un an aux championnats d’Europe à Zurich, ce sont pas moins de sept médaillés (dont cinq en or) qui sont absents (Calvin, Daunay, Nana Djimou, Lesueur, Mekhissi, Diniz, Mayer) auxquels il convient de rajouter Myriam Soumaré (qui est devenue maman, argent et bronze à Zurich sur 100 et 200 m) !

Au Décanation l'an passé à Angers, l'équipe de France avait surfé sur le succès des Europe de Zurich. Cette année, nombre d'athlètes médaillés en Suisse ont déclaré forfait en raison d'une blessure - Photo FFA
Au Décanation l’an passé à Angers, l’équipe de France avait surfé sur le succès des Europe de Zurich. Cette année, nombre d’athlètes médaillés en Suisse ont déclaré forfait en raison d’une blessure – Photo FFA
Renaud Lavillenie sera le fer de lancer de l’équipe tricolore. Triple champion d’Europe, champion olympique, il ne lui manque que l’or mondial (bronze en 2009 et 2011 et argent en 2013). Le Clermontois est apparu très placide jeudi en conférence de presse, avant les qualifications samedi midi (en France). « Ce sont les Mondiaux où je suis le plus serein et le moins anxieux. J’ai muri par rapport à l’approche de la compétition. A J-2, je suis très détaché de l’évènement ». Trop ? « Ça ne m’inquiète pas » a-t-il sourit. « Je sais que quand je suis dedans quand je suis sur le stade ».
Dans son sillage, le désormais co-détenteur du record d’Europe du 100 m Jimmy Vicaut (9’’86) a une grosse carte à jouer sur la ligne droite, lui qui est 4e performeur mondial. Médaillée lors des deux derniers rendez-vous internationaux (argent à Moscou et à Zurich), Mélina Robert-Michon, qui a fait montre d’une insigne régularité cette année au disque, sera candidate à un troisième podium consécutif (8e des engagées).
Retardé dans sa préparation par une double blessure au fessier, difficile de savoir où en est Christophe Lemaitre. On aura d’ores et déjà un premier aperçu de sa forme ce week-end sur le 100 m, avant que l’Aixois ne s’aligne sur le demi-tour de piste, sa distance de prédilection où il fut médaillé de bronze à Daegu en 2011, dans un contexte éminemment relevé. Finalement, sa meilleure chance de médaille pourrait être avec le relais 4×100 m. Le triple champion d’Europe de Barcelone en 2010 se montre en tout cas confiant après avoir effectué « des tests en sprint très concluants » précédant son départ pour Pékin.
Jeudi 20 avril, on s'affaire sur le Nid d'oiseau pour mettre au point les tous derniers détails - Photo Q.G
Jeudi 20 avril, on s’affaire sur le Nid d’oiseau pour mettre au point les tous derniers détails – Photo Q.G
Un autre relais, le 4×400 m féminin, emmené par le duo Floria Gueï-Marie Gayot (en pleine progression, elles visent une finale individuelle) sera très attendu, fort de ses excellents résultats ces dernières années et notamment le formidable titre à Zurich.
Sur 110 m haies, Pascal Martinot-Lagarde, Garfield Darien et Dimitri Bascou peuvent tous les trois entrer en finale, où, ensuite, tout sera possible. La bonne surprise pourrait venir de la championne d’Europe espoir du marteau, Alexandra Tavernier, 4e performeuse mondiale de l’année, alors que le champion d’Europe du triple saut Benjamin Compaoré pourrait sortir de sa boite au moment idoine, dans un concours marqué par le duel Pichardo/Taylor.
Une sélection restreinte en demi-fond
Côté demi-fond, la sélection est particulièrement restreinte. La faute aux blessures (voir ci-dessus), à des choix de carrière qui requièrent patience et persévérance (ceux qui sont montés sur marathon notamment), à des minima élevés (indexés sur un niveau mondial gangréné par le dopage) alors qu’Ophélie Claude-Boxberger aurait pu venir garnir ce contingent, mais la championne de France du 3 000 m steeple a réalisé les minima trois jours trop tard et n’a pas bénéficié de la mansuétude de la Fédération –nous y reviendrons.
Sur 800 m, Pierre-Ambroise Bosse, 7e à Moscou en 2013, devra passer le cut des séries et surtout des demies, chose pas aisée avant de tout lâcher en finale. En tout cas, il ne sera pas favori quand l’an passé à Zurich, où sa pancarte avait été trop lourde à porter (8e en finale). La finale sur le 8, ce sera l’objectif de Rénelle Lamote, impressionnante de régularité au plus haut niveau cette saison.
Morhad Amdouni peut également prétendre à la finale sur 1 500 m, lui qui réalise un retour tonitruant sur le tartan –et plutôt inattendu à un tel niveau- après des années de blessure, et qui a partagé le stage terminal de préparation à Font Romeu avec Taoufik Makhloufi.
Le champion d’Europe du 3 000 m steeple Yoann Kowal aura pour objectif de se rapprocher du top 6 mondial (lire ici). Sur le 20 km marche, Kévin Campion aura à cœur d’effacer son échec de Moscou en 2013, alors qu’Emilie Menuet  sera la première représentante tricolore sur la distance depuis douze ans (lire ici).
Pour résumer, le Nid d’Oiseau –le formidable écrin de ces championnats- s’est progressivement mué pour les Bleus en un nid de désillusions. Si bien que dans les sports collectifs, il aurait fallu faire appel à des jokers médicaux tant l’équipe de France est décimée…Dans ce son contexte, la confirmation au niveau planétaire de l’insolente réussite des Bleus au niveau continental (avec une équipe complète, le record de médailles dans un Mondial, 8 en 2003, aura pu être envisageable) attendra Rio l’année prochaine.
Nonobstant l’hécatombe,  l’équipe de France possède quelques solides arguments à Pékin. La marge de manœuvre est cependant (très) ténue, et gageons qu’il ne faille pas se muer en étudiant de médecine d’ici la fin août…

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