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Retour sur les premiers championnats du monde de montée d’escaliers avec Laurent Vicente

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Poste Le 16 novembre 2022 par Luc Beurnaux

Retour sur les premiers championnats du monde de montée d’escaliers avec Laurent Vicente

Laurent Vicente participait, le week-end dernier, aux championnats du monde de montée d’escaliers à Dubaï. Il a pris la 8e place. Rentré en France mardi soir, il a répondu à nos questions. Retour sur les premiers championnats du monde de montée d’escaliers avec Laurent Vicente.

Comment s’est déroulée la course ?

« Ce n’était pas un contre-la-montre pour jouer la carte médiatique. Pour les médias, c’est mieux que le premier qui arrive soit le vainqueur, alors qu’en contre-la-montre, ce n’est pas toujours visible. Ils ont décidé de faire partir les élites en 2 vagues. J’étais dans la première vague de 14 coureurs et j’étais en deuxième ligne. Il y avait une règle qui était de ne pas pouvoir doubler avant le début des escaliers. Donc on part en 2 lignes, mais je suis loin des premiers dès le début, alors que je suis un très bon coureur (ndlr : record en 31’12 minutes sur 10 km). Je me suis donc retrouvé à faire une course tactique. Mais doubler dans les escaliers, c’est très difficile. D’une part, parce qu’on peut mettre ses mains sur les rambardes donc ça fait le barrage, et d’autre part, parce que tu es tellement au rupteur que pour doubler dans des escaliers, faut vraiment accélérer et ça demande plusieurs étages pour récupérer. C’était la première fois que je faisais une course en départ en ligne et donc que je devais gérer cet aspect tactique. Je n’ai pas pu fournir un effort lissé comme j’en avais l’habitude sur contre-la-montre. »

Es-tu, tout de même, satisfait de ta course ?

« Oui, oui, je suis très content. Faire un top 10 mondial, c’est toujours quelque chose. Même s’il y a des disciplines qui sont plus intimistes ou mineures, faire un top 10, c’est toujours costaud. Moi, ça ne m’était jamais arrivé avant 2022 d’ailleurs, donc c’est une consécration. Après, je suis frustré par le chrono, parce que, justement, je suis rentré dans une course tactique. C’est un peu frustrant, mais c’est le jeu et je continue à gagner en expérience. »

On en parle beaucoup avec la coupe du monde de football au Qatar en ce moment. Les températures au Moyen-Orient sont complètement différentes. Comment as-tu géré cette différence de climat ?

« Il faisait hyper chaud. Dubaï l’hiver, c’est simple, c’est la canicule en France. 35 °C le jour et ça ne descend jamais en dessous de 20 °C la nuit. Le matin, il faisait très humide, quelque chose qu’on n’a pas forcément l’habitude en France. Quand tu sors, c’est suffocant. Heureusement, j’étais arrivé 10 jours avant, donc j’avais pu m’entrainer et m’acclimater un peu. Mais on a couru dans une cage d’escalier qui n’avait pas d’aération ni de climatisation. L’humidité faisait des microgouttelettes sur les vitres et ça faisait glisser des grosses gouttes d’eau sur la vitre qui te tombaient dessus. On est parti à 7 heures pour la chaleur, mais l’humidité était à son maximum. 1 heure après, le soleil était arrivé. Il faisait plus chaud, mais il avait dissipé l’humidité et c’était plus supportable. »

Quelle est ta stratégie de course (monter les escaliers : 1 par 1, 2 par 2) ?

« Au niveau stratégique, comme je l’ai dit, je me suis fait surprendre par le fait que c’était tactique donc je n’ai pas pu faire la stratégie que je voulais. Dans tous les cas, pour monter les marches, c’est 2 par 2. Par contre, c’est 2 par 2 en marchant ou en courant. Il y aussi le fait d’utiliser les rampes ou non. La stratégie, elle est complètement anarchique, en fonction de si tu doubles ou non. Si tu doubles, tu ne peux pas utiliser les rampes donc tu t’arraches et après tu marches vite pour récupérer de ton arraché. Pour trouver son rythme et son équilibre dans un effort aussi intense de 7 minutes, il n’y a pas de place à l’anarchie et aux à-coups. Là, j’ai été obligé de le faire Si j’avais été en première ligne, j’aurais été obligé de partir plus vite et j’aurais pu plus courir dans les escaliers, alors que là, j’ai été obligé de m’arracher en sprintant puis en marchant vite. » 

Comment t’es-tu entraîné et préparé ? 

« Je travaille sur Font-Romeu. Là-bas, je m’entraîne dans la tour du CNEA (ndlr : Centre National d’Entraînement en Altitude). Ce n’est pas très haut, c’est environ 1 minute 45. Pas-loin, à Targassonne, il y avait la tour Thémis et je l’utilisais beaucoup pour préparer la montée de la tour Eiffel. Après, c’est un gros travail de musculation, un gros travail de pied et un gros travail de bras aussi. C’est très complémentaire avec la course, sauf que quand tu rentres dans des compétitions de ce type, ça devient tellement spécifique que ça te prend beaucoup de temps pour arriver à un degré de performance. Si tu prépares des compétitions importantes, ces spécificités prennent trop de temps au détriment de la course pure. C’est un équilibre qui est dur à trouver. »

Quelle est la part du mental ? 

« En psychologie, tu as le mental, le psychologique, le psychique et le spirituel. Ce sont des gros mots, parce que derrière, il y a toute une théorisation à faire. Pour moi, quand on en arrive au mental, c’est quand on est au bout de nos forces physiques, donc, dans un échec de préparation, dans le dur de l’effort, ou au bout du physique. C’est alors le mental qui prend le relais. Sinon avant, c’est de la concentration, de la méditation, de la motivation. Oui, j’y suis allé au mental, mais, justement, c’est là où je suis un peu frustré. À la fin, j’ai assuré ma place parce que je ne pouvais plus trop doubler. À un moment donné, je pense qu’au mental j’aurais pu faire un peu plus, mais pour une première tactique, je n’ai pas pu faire beaucoup plus. »

Quels conseils pourrais-tu donner pour participer à ces courses ?

« Ne pas se préparer au mental, mais se préparer au physique (rire). Plus ton physique est élevé grâce à une belle préparation, plus tu vas avoir un mental fort et une confiance au départ. Il faut déjà prendre du plaisir à s’entraîner sur des escaliers en complément de la course et, après, vraiment commencer à monter des escaliers avec des cycles spécifiques. La dernière étape, ce serait de faire des compétitions. C’est pour ça que les Asiatiques sont bons. Eux, ils ont des circuits et des coupes nationales. Mais en France, il n’y en a pas beaucoup. »

Retrouvez ici tous les résultats des championnats du monde de montée d’escaliers.

Killian Tanguy – photo : Laurent Vicente

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