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Championnats d’Europe : le doublé de Mahiedine Mekhissi et Yoann Kowal vu de l’intérieur

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Poste Le 14 août 2014 par adminVO2

Comme en 2010 où Mahiedine Mekhissi l’avait emporté devant Bouabdellah Tahri, les Français ont réalisé le doublé sur le 3 000 m steeple. Le Rémois l’emporte pour la troisième fois consécutive sur la distance, ce qui ne s’était jamais fait par le passé. De son côté, et dans la foulée d’un dernier tour canon, Yoann Kowal décroche sa première médaille dans un grand championnat estival, après le bronze à Turin (1 500 m indoor en 2009 à Turin). Le fruit d’un long travail mené avec son coach Patrick Petit-Breuil. Récit, au plus près des protagonistes.
20h45. Patrick Petit-Breuil martèle son pied gauche contre le sol. A la manière d’un coureur qui scande le macadam avec sa foulée. Le Périgourdin est tendu, tout comme son collègue Philippe Dupont, entraîneur de Mahiedine Mekhissi et manager national du demi-fond. «Il n’y a pas de tactique. Il gère sa course lui-même» relevait Patrick Petit-Breuil quelques instants plus tôt.
Est-il en meilleure disposition quand lors des séries deux jours auparavant, quand il avait paru emprunté au moment de l’emballage final? «Je ne sais pas. En tout cas, il est bien dans la tête. Il a fait une super séance à J-9. En série, la course était lente. Je commence à bien le connaître, il n’aime pas trop ça.»Coup de start. 2’55’’ au premier kilo, c’est tactique. Yoann Kowal relance l’allure. «Il fait le lièvre pour Mekhissi? » s’interroge un spectateur. «Non, il court pour lui, c’est un grand garçon» répond le coach de Yoann Kowal. Celui-ci est toujours aux avant-postes. «Je préfère le voir placé là que derrière» souffle Patrick Petit-Breuil, qui sait bien la propension de son athlète à se trouver aisément en difficulté au milieu du peloton.
Le Turc Tarik Akdag prend les commandes, et accélère le tempo. 5’46’’ aux 2000 mètres. Comme convenu avec son entraîneur, Mahiedine Mekhissi prend les choses en main et place une accélération progressive. Yoann Kowal est en embuscade, avec les Espagnols Angel Mullera et Sebastian Martos, ainsi que le Polonais Krystian Zalewski, 2e meilleur chrono européen de l’année. «Allleeezzz» s’égosille Patrick Petit-Breuil, comme pour mieux tromper la pression qui l’étreint. La cloche. Yoann Kowal double Akdag dans le virage. Il remonte dans la ligne opposée où Mahiedine Mekhissi a fait la différence.
Dernière rivière. Le camp tricolore devient euphorique et se lève. Mahiedine Mekhissi, avant l’ultime obstacle, enlève son maillot dans un geste assez incroyable. Derrière, Yoann Kowal s’arrache, grimaçant comme à l’accoutumée,toutes dents devant tel un lion qui veut attraper sa proie. Comme pour conjurer toutes ces années de frustration en grands championnats. Il débordele Polonais, ouvre ses bras en franchissant la ligne. Presque incrédule, comme pour signifier: «Quoi?! Moi, deuxième?!». Oui, c’est bien ça, vice-champion d’Europe. L’accolade avec le coach est franche, sincère, authentique.

«Pour être honnête, je n’y croyais pas trop avec la série qu’il avait faite»

Le camp français est extatique. Mais un moment de doute le parcourt. La rumeur s’amplifie quelques instants. Mahiedine Mekhissi disqualifié pour avoir ôté son maillot? Non, il ne récolte finalement qu’un carton jaune…Soulagement. «Mais pourquoi tu fais ça!? Tu ne veux pas faire comme tout le monde!?» s’écrie la double championne d’Europe de la longueur Eloyse Lesueur, qui s’est fait une belle frayeur à l’instar de Philippe Dupont.Patrick Petit-Breuil, lui, a les yeux embués. «Ça fait du bien. Il a bien géré. Pour être honnête, je n’y croyais pas trop avec la série qu’il avait faite».
Ça fait du bien? Oui, car Yoann Kowal, dans sa première partie de carrière, est longtemps resté scotché au pied de la finale mondiale, sur 1500 mètres. «Depuis trois ans, on rate des finales de pas grand-chose. Il y avait une grosse déception aux JO en 2012» rappelle le coach alors que son poulain avait été sorti en demi-finale à Londres (tout comme en 2011 à Daegu, 5e des Europe à Barcelone en 2010).
L’année charnière, c’est 2013, et le passage au steeple. 8’12’’53 à Rabat pour sa rentrée, record personnel. Deux mois plus tard, Yoann Kowal décroche sa tant convoitée 8e place aux Mondiaux de Moscou, synonyme de place de finaliste. Dans le dernier VO2 Mag, il soulignait à l’issue des championnats de France à Reims: «Je suis l’un des athlètes qui a le plus de sélections sur le papier et je n’ai qu’une médaille aux championnats d’Europe en salle en individuel. Il faut étoffer un peu le palmarès. J’ai beaucoup de ratés. J’espère que ça peut-être un tournant». Ça l’est, assurément. Et avec brio, qui plus est.

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