Entraînement sous la chaleur : tout feu, sans flamme ?

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Poste Le 18 août 2015 par adminVO2

Athlète de haut niveau ou coureurs « lambda » préparant les marathons automnaux, malgré la plus grande détermination, la chaleur estivale affecte les conditions d’entraînement. Les Drs Frédéric Depiesse, président de la commission médicale de la FFA, et Jean-Michel Serra, médecin des équipes de France d’athlétisme exposent les mécanismes activés, les risques à éviter et prodiguent quelques conseils.
Température et humidité
Tout d’abord, Frédéric Depiesse explique que « la température corporelle ne doit pas dépasser 40°5 C » auquel cas surviennent les problèmes hyperthermiques. Sachant cela, quelles sont les conséquences de la chaleur sur le plan physiologique ? «L’homme est un homéotherme » relève-t-il, c’est-à-dire qu’il « doit maintenir sa température vers 37 degrés », par le biais de quatre phénomènes : radiation, conduction, convection, et principalement l’évaporation de l’eau. « La sueur comprend de l’eau et des minéraux qu’il faudra compenser. Selon le niveau d’entraînement, la quantité de sueur peut différer, ainsi que sa concentration en sodium et potassium. Plus on est entraîné, moins la sueur est concentrée et plus on sue, donc on peut limiter la montée en chaleur ».
La transpiration va donc « permettre de refroidir le corps ». Et l’hydratation est très importante : « plus on sera déshydraté, moins ça sera facile de suer. C’est le premier facteur limitant » souligne Jean-Michel Serra. D’autre part, « l’ambiance extérieure va jouer : plus il va faire humide, moins le corps aura tendance à produire de la sueur pour ces phénomènes de régulation thermique. Du coup, la température interne va continuer à monter car elle aura moins de capacité à se réguler » décrypte le Dr Serra. « Un temps chaud et sec est plus facile à gérer pour un effort donné qu’un temps chaud et humide » abonde son collègue.
Le Dr Depiesse distingue « trois types d’accidents hyperthermiques survenant à l’occasion d’activités physiques ou sportives » :
– le coup de chaleur d’exercice qui touche un sujet jeune, en bonne santé, au cours d’un exercice physique très intense de durée intermédiaire.
– l’épuisement hyperthermique qui survient plus souvent chez un sujet déshydraté pendant un exercice d’intensité modérée à élevée, de longue durée.
– le coup de chaleur mixte observé par un temps très lourd au cours d’activités de la vie courante.
Une fois qu’un de ces problèmes hyperthermique s’est installé, « c’est quasiment fini » relève le Dr Serra, a fortiori en compétition.
Les solutions, à l’entraînement et en compétition 
-Courir à la fraîche, tôt le matin ou tard le soir.
-S’accoutumer à la chaleur. « Il n’y a pas de réponse scientifique sur l’acclimatation d’effort, l’idée est plutôt de vivre quelques jours au préalable aux mêmes températures que celle du jour de la course si des températures élevées sont prévues, mais pas obligatoirement d’y faire des séances spécifiques sous hautes températures. Il est conseillé de moins s’échauffer, par haute température, que d’habitude, pour limiter la montée en température avant l’effort » observe Frédéric Depiesse.
De son côté, le Dr Serra note : « Il faut bien étudier les choses en fonction des profils de chaque athlète. Il ne faut pas le rajouter mais l’inclure dans le plan d’entraînement, en réfléchissant bien à cette stratégie-là, notamment aux temps de récupération. Il ne faut pas rechercher des valeurs chronométriques sur des entraînements identiques à ce que l’on fait sous des climats tempérés. Il faudra être un peu moins ambitieux ».
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-Porter une casquette pour protéger la tête, « qui est en permanence au soleil. Porter une casquette humide, avec un peu de glace pilée remplie au fond de celle-ci, c’est une stratégie qui marche bien lorsqu’on dispose d’un ravitailleur » glisse le Dr Serra.
« Un petit truc : il faut éviter de trop s’asperger en courant » énonce le Dr Depiesse, car on recrée les conditions d’humidité.
-Quid des gilets froids, dont l’objectif est de diminuer la température corporelle avant l’effort et après pour la récupération ? « Cela dépend du ressenti des athlètes » souligne le Dr Serra. « Le résultat sur différents types d’effort reste encore à démontrer, de même en récupération les gilets sont moins intéressants que les bains de cryothérapie à 7°C-13° C permettant de mettre les membres inférieurs dans l’eau froide » précise son collègue.
-L’hydratation et l’alimentation. Les points les plus importants, que ce soit en compétition ou à l’entraînement (voir plus loin). « Il faut toujours avoir un apport de sel (sodium) en plus de glucides, d’eau, de minéraux et de vitamines. Un consensus se dégage pour proposer systématiquement un apport d’hydrates de carbone (glucides) se situant entre 20 et 30 g par heure pour les efforts intenses de plus d’une heure (soit 20 à 30 g de sucre et 3 pincées de sel pour un litre d’eau). Dans la mesure où une déshydratation supérieure à 2 % du poids corporel est responsable d’une diminution importante des capacités physiques et mentales, il est indispensable de compléter au moins en partie cette perte d’eau, qu’il faut accompagner d’un apport modéré de sodium » indique Frédéric Depiesse.
Attention aux boissons trop sucrées (type sodas) qui ralentissent la vitesse de réhydratation. « En plus du coup de chaleur, le danger est de se retrouver en situation d’hyponatrémie, c’est-à-dire que le  taux de sel dans le corps est trop faible par rapport aux besoins réels » abonde le Dr Serra.
Pour les sorties longues à l’entraînement, si personne ne vous suit en vélo, privilégiez des parcours en circuit pour éviter de vous alourdir avec les ceintures. A l’inverse, attention à la situation « relativement rare mais tout aussi dangereuse » dit le Dr Serra, qui consiste en « des stratégies d’hydratation trop importantes. Le bon apport correspond à 1ml d’eau pour 1Kcal dépensé ».

En préparation marathon, refaire les réserves glycogéniques et protéiques après l’effort –d’autant plus avec la chaleur-, s’avère primordial. « L’idéal est de le faire très rapidement, dans la demi-heure qui suit (et jusqu’à 1h). On a vidé les réserves : le corps aura une plus grande aptitude à capter les aliments qui vont lui être utiles pour les recharger » explique le Dr Serra. « Pour les athlètes d’endurance, l’apport se situera entre 1,2 à 1,7 g de protéines / kg de poids corporel / jour » relève le Dr Depiesse.
Le steak ou l’escalope de dinde ne faisant pas très envie après un entraînement de 2 ou 3 h (c’est un euphémisme), « la boisson lactée, éventuellement chocolatée, va permettre à la fois d’apporter une hydratation conséquente et en même temps des valeurs de protéines qui permettent d’avoir une recharge optimale. Et pour les intolérants au lait, de l’eau avec de la protéine en sachet en vérifiant qu’il s’agisse de protéines d’œuf et non de lait fera l’affaire» détaille le Dr Serra.
Enfin, le jour J, il faudra adapter son allure de course en fonction des conditions (température et humidité). Sinon…« A Boston, selon la température chaque année, on constate des écarts de performances d’environ 10’ ou plus, hommes et femmes confondus » fournit à titre d’exemple Francis Genson, médecin qui office en équipe de France de marche, et qui s’occupe du secteur féminin à la Fédération de volley.
Photos : Yves-Marie Quemener.
 

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