Athlétisme Interviews

Marie-Amélie Le Fur propulsée vers les Mondiaux

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Poste Le 23 juin 2015 par adminVO2

Samedi 20 juin lors du meeting international IPC d’Aquitaine à Talence (Gironde), Marie-Amélie Le Fur a amélioré le record du monde de la longueur, catégorie T44), avec un saut à 5,48 mètres. De bon augure avant les Mondiaux à Doha en octobre prochain et les Jeux paralympiques à Rio dans un peu plus d’un an. Entretien. 
5,48 m, soit un petit centimètre de mieux que la précédente marque réalisée par la Britannique Stefanie Reid en juillet 2014. Grâce à ce saut, Marie-Amélie Le Fur, 26 ans, a repris le record du monde de la longueur (avant que Reid ne s’empare, la sociétaire de l’AJ Blois Onzain le possédait, avec 5,43 m), catégorie T44 (amputée tibiale). Si la Blésoise avait déjà sauté plus loin par le passé, sa performance n’avait pas été homologuée (car il n’y avait pas de juge IPC –le Comité international paralympique -, ce qui demeure une pierre d’achoppement dans les compétitions handisports).
Ce record vous lance idéalement vers les Mondiaux de Doha (22-31 octobre prochain) ?
Je suis contente du saut. Faire valider le record du monde est intéressant. Je suis aussi contente du 100 mètres (13″31, elle s’est également imposée sur le 200 m en 27″32). Ça donne de la confiance. Après, on est encore très loin des Mondiaux. On n’est pas sur un moment de forme. Il faut prendre son temps et repartir sur une période de préparation.
Vous allez vous aligner sur 100, 200, 400 m et à la longueur ?
Oui, c’est le nouveau challenge. Après, le gros objectif est sur la longueur. Par rapport au programme, çà tombe bien car je peux faire les quatre épreuves.

Un meilleur encadrement « pour progresser, s’améliorer »

 
Vous avez modifié des choses à l’entraînement pour enchaîner ces quatre épreuves ?
Non, mais on a changé pour axer sur la longueur. Un préparateur physique (Steven Huet) gère la musculation, j’ai un coach de longueur (Dominique Charles), je fais plus de stages avec le coach de l’équipe de France, et j’ai un préparateur mental. Tout ça est chapeauté par mon coach de toujours, Cyrille (Nivault).
Vous avez mis en place cela cette année ?
Oui, je ne l’avais pas avant. On a décidé de faire ça pour voir d’autres choses, pour progresser, pour s’améliorer. J’en avais besoin. Ça se voit dans les perfs, dans la progression. C’était un bon choix.
La longueur, c’est la discipline dans laquelle je suis la mieux placée au niveau des bilans et où j’ai le plus de chances d’aller chercher une médaille d’or. C’est pour ça qu’on axe sur ça maintenant.

Aux Mondiaux 2013 à Lyon
Le 400 m, vous comptez en faire de plus en plus (elle fut championne d’Europe l’an passé à Swansea) ?
C’est motivant car c’est une discipline que j’aime. Ça se rapproche du demi-fond (valide, elle faisait du-demi-fond. Après son accident de scooter en 2004 qui lui causa l’amputation de sa jambe gauche, Marie-Amélie Le Fur se mit au sprint puis au saut en longueur. Elle fit toutefois quelques 800 mètres, et possède un record à 2’26’’08, établi en 2007, ndlr), il y a plus de gestion de course. Donc j’aime forcément. Après, c’est toujours difficile à gérer avec les doubles amputés. Je ne sais pas dans quelle mesure j’ai une marge de progression par rapport à eux.

« Peur de mordre, de glisser sur la planche »

 
L’objectif ultime doit être les Jeux de Rio. En 2012, vous aviez glané l’or sur 100 m, l’argent sur 200 et le bronze à la longueur. Réalisé un triplé est-il envisageable ?
Oui, l’objectif est Rio. Trois fois médaille d’or, c’est impossible et je ne peux pas encore définir mes objectifs car on ne connaît pas le niveau mondial. Le premier challenge sera de s’y qualifier, d’être en forme et, pour les objectifs, on verra plutôt l’année prochaine.
Percevez-vous depuis quelques années un changement médiatique par rapport à l’image du handisports ?
Oui, on l’a aussi senti sur la période de Sotchi où les gens s’intéressaient plus aux Paralympiques (l’hiver 2014). C’est retombé depuis quelques temps parce qu’il n’y a pas d’objectifs majeurs médiatisés. Je pense que ça reviendra bientôt avec les Jeux.
Dans quel domaine devez-vous progresser ?
Depuis une semaine, j’ai un refus au niveau de la planche. Je n’attaque pas mon saut, je n’attaque pas la planche. Il faut vraiment que j’essaie de rentrer dans la planche, dans le saut pour traverser le bac.

Aux Jeux de Londres en 2012 (Photo Gilles Bertrand)
Aux Jeux de Londres en 2012 (Photo Yves-Marie Quemener)
Ce refus est dû à quoi ?
La peur de mordre, de glisser sur la planche. Il faut vraiment travailler sur ça, et encore une fois lever ce blocage mental. Exactement, c’est pour ça que j’ai fait appel à un coach mental. Pour gérer la pression. Pour gérer un petit peu les défauts qui arrivent quand je suis dans les grandes compétitions. Ça se met progressivement en place (lors de son saut record à Talence, elle n’a pas par exemple posé le pied sur la planche, ndlr). Je vois que je suis plus positive dans ma préparation et je pense que ça va m’aider dans le futur.
Vous vous consacrez uniquement à l’entraînement ?
Non, je travaille à côté. Je m’entraîne neuf fois par semaine et je suis détachée à 50 % de mon travail. Je suis en poste de conduite de changement chez EDF. C’est plutôt mon parcours de vie qui m’a amenée à occuper ce poste là plutôt que mes études. On va dire que je suis en formation au quotidien pour me former sur les outils qui sont utilisés par la conduite du changement. Ça me fait du bien. Car je ne pense pas qu’au sport au quotidien. J’ai aussi une activité à côté et çà m’occupe l’esprit.
Pour en savoir plus sur les «familles» et les classes de handicap : cliquez-ici.
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Photo de une : lors du meeting IPC à Talence (Photo  Q.G).

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