Athlétisme Interviews

Assoumani, Rio 2016 via les USA

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Poste Le 24 juin 2015 par adminVO2

Arnaud Assoumani évoque son exil aux Etats-Unis pour s’entraîner, ses futurs objectifs et le message qu’il fait passer concernant le handicap. Rencontre avec le champion paralympique de Pékin en 2008 au saut en longueur (catégorie T46/47), né sans bras gauche et présent lors de la quatrième édition du meeting international IPC d’Aquitaine, qui s’est disputé samedi 20 juin à Talence (Gironde). 
Vous vous êtes échauffé sans finalement sauter. Pourquoi ?
Une douleur à l’ischio s’est réveillée cette semaine. Je pensais que ça irait, mais je la sentais encore et je n’ai pas voulu prendre de risques.
Du coup, cela va être compliqué de se qualifier pour les Mondiaux (à Doha au Qatar du 22 au 31 octobre) ?
Je n’ai pas fait les minima demandés (6,80 m ; il avait jusqu’à ce samedi 20 juin, ndlr). On va voir ce que décide la Fédération. Mais la priorité, c’est d’être en bonne santé.

« C’est super joli mais ce n’est pas efficace »

 
Depuis Londres en 2012, vos résultats sont plus erratiques (il est toujours recordman du Monde de sa catégorie, T46/47, avec un saut en 7,58 m en 2011), comment l’expliquez-vous ?
J’ai eu pas mal de galères physiques ces trois dernières saisons, entre les tendons d’Achille, une déchirure à l’ischio, deux ligaments partiellement arrachés à la cheville. Je connais le prix d’être en bonne santé et ce que ça signifie. Là, j’ai les éléments pour faire de bonnes choses mais je suis en manque de repères. J’ai des blocages dans la course. Je ne suis plus habitué à arriver aussi vite sur la planche. Donc je m’arrêtais puis j’impulsais, j’allais vers le haut ; c’était super joli mais ce n’est pas efficace (sourire).
Vous vous entraînez depuis septembre 2013 à San Diego aux Etats-Unis, au centre olympique et paralympique de Chula Vista.
Oui. En 2012 quand j’étais parti de France, j’avais été au Santa Monica Track Club (à Los Angeles). Je m’étais blessé la première fois à la cheville et j’avais rejoint Jérémy Fisher à San Diego la saison d’après.
Il coache notamment Will Claye et Brittney Reese (respectivement vice-champion olympique du triple saut et championne olympique de la longueur, ndlr). Dans le groupe, on est deux à ne pas avoir sauté à huit mètres ! C’est une super expérience. Maintenant,  ça me coute personnellement, à pas mal de niveau, d’être aux USA. J’ai envie que l’investissement paie.

Vidéo mise en ligne en février dernier sur les six derniers mois de la préparation d’Arnaud Assoumani
J’ai la chance d’avoir des sponsors, que je remercie, qui me suivent sur la route de Rio. Et c’est grâce à eux que je peux vivre de mon sport, et m’entraîner dans ces conditions. L’objectif, c’est la médaille d’or paralympique et faire de grosses perfs. C’est vrai que je n’ai rien fait pendant une longue période mais ça fait partie du sport. Je ne suis pas le seul athlète à avoir connu ça. Il faut continuer à garder confiance et le travail va finir par payer.
Les huit mètres représentent-ils un rêve ?
Ce n’est pas forcément un rêve. Quand tu fais de la longueur, tu es respecté quand tu fais 8 mètres. Pour moi, je ne suis pas un sauteur en longueur pour l’instant (rires). Oui oui, c’est un peu ça. J’ai déjà fait des sauts mordus de pas beaucoup à plus de 8,10 m. Là, le but est surtout de se faire plaisir et d’être en bonne santé.

« Le message que j’essaie de faire passer, c’est que le handicap est un moteur »

 
Dans quelle mesure votre handicap (il est né sans bras gauche) vous freine dans la performance ?
Les bras sont vraiment le moteur pour les jambes et pour l’équilibre. Quand il manque un bras, on est déséquilibré. Ça peut être en termes de fréquence, de coordination ou autres. Après, je suis né comme ça. Donc je ne peux pas dire exactement la différence, mais il y en a une. Çà peut se mesurer aussi au niveau les blessures. C’est un sport qui est asymétrique, donc on compense plus d’un côté. Je suis plus fort musculairement du côté droit. Il faut adapter un peu tout le temps à l’entraînement.
Votre parcours vous amène aussi à faire des conférences, notamment pour des entreprises ou autres, à l’image de la conférence TED (« intitulé au-delà du possible ») à laquelle vous avez récemment participé.
Voir tous les liens existants entre le sport et le monde de l’entreprise, partager les expériences est super enrichissant. A partir du moment où on a un objectif, on se prépare un peu tous de la même manière et chacun développe sa méthode. On apprend aussi beaucoup sur soi-même.

L’intervention d’Arnaud Assoumani lors la conférence TEDx à Nancy
Comment êtes-vous venu à faire de la longueur ?
C’est vraiment quelque chose que je voulais faire depuis gamin, quand j’avais 4-5 ans, même sans avoir essayé. Quand j’ai commencé l’athlétisme à 11 ans, je touchais à tout et j’étais bon à la longueur, et c’était ce que je préférais. Je pense que l’esthétisme me plaisait : les ciseaux, comme si on pédalait en l’air.

« L’image du sport paralympique par rapport à 2004 ? Ça n’a rien à voir »

 
Vous avez glané de nombreuses médailles internationales. Ce fut un moyen de vous affirmer, d’avoir une reconnaissance particulière ?
Oui c’est sûr. L’image du sport paralympique a pas mal changé en France. Et je fais partie de cette génération là. C’est important d’être reconnu personnellement, mais plus encore pour le mouvement. Le message que j’essaie de faire passer, dans les entreprises ou autres, c’est que le handicap n’est pas un frein. Pour moi, c’est un moteur. On peut faire des trucs funs, surtout avec les nouvelles technologies ou autres.

Aux Jeux Paralympiques à Londres (Photo Gilles Bertrand)
Aux Jeux Paralympiques à Londres (Photo Gilles Bertrand)
Vous avez glané le bronze aux Jeux Paralympiques en 2004 (à la longueur ; puis l’or en 2008 à Pékin ; l’argent en 2012 à Londres, ainsi qu’au triple saut ; à Londres, sa préparation avait été perturbée dans la dernière ligne droite par une fissure du tendon d’Achille). En dix ans, l’image du sport paralympique a beaucoup évolué, non ?
Ah oui, c’est énorme et çà n’a rien à voir. C’était un peu suivi en 2004. Beaucoup plus en 2012 avec les médias français, même s’il n’y avait pas de direct. Ça évolue à chaque paralympiade, et même entre. J’ai la chance d’avoir des partenaires ; avant, il n’y en avait pas autant dans le mouvement paralympique. C’est très bien.
Ça va avec l’évolution des choses par rapport à la société. On essaie d’être un plus ouverts, de faire en sorte qu’il y a ait plus de respect, d’égalité entre les gens qui viennent d’univers très différents. En France, le handicap était très tabou.  Ça l’est encore assez et on est en retard par rapport à beaucoup de pays. Mais un petit peu comme tout, les mœurs évoluent petit à petit.
A lire également, l’interview de Marie-Amélie Le Fur (ici).
Pour en savoir plus sur les «familles» et les classes de handicap : cliquez-ici.
Le site de l’athlétisme handisport en France : cliquez-ici.
Photo de une : lors du meeting IPC à Talence (Photo  Q.G).

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