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James Theuri: le négligent champion de France de semi-marathon

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Poste Le 6 novembre 2014 par adminVO2

Champion de France de semi-marathon en 2006 dans la foulée de sa naturalisation (il est d’origine kényane), James Theuri, huit ans après, est de nouveau monté sur la plus haute marche du podium à Saint-Denis fin octobre. Une satisfaction après plusieurs semaines à gamberger, en raison d’une suspension provisoire pour manquement aux règles de localisation. Explications.
 

« C’était très important pour moi. J’étais très content d’avoir gagné, une semaine avant mon anniversaire. Ça faisait un moment que je n’avais pas gagné un championnat de France de semi-marathon ». 2006, donc, alors que James Theuri s’était imposé aux France de 10 km en 2013 à Cabries. Celui qui compte onze sélections internationales seniors a fait la différence au 19e km, en distançant de quelques mètres Anouar Assila, alors que le Burundais Abraham Niyonkuru s’envolait vers la victoire (en 1h04’14’’, mais n’étant pas Français, il ne pouvait par conséquent pas prétendre au titre national). « Avec l’ambiance, l’arrivée pas loin du Stade de France etc… j’ai accéléré pour lâcher Anouar car je ne voulais pas prendre de risque en attendant le sprint »explique James Theuri, 2e de la course en 1h04’39’’ (huit secondes au final devant Anouar Assila).

Sur le site fédéral, il avait dit son soulagement après avoir connu « des semaines difficiles ». Faisait-il allusion à cette suspension provisoire pour manquements aux règles de localisation ?« Oui c’était ça » abonde t-il.

Une histoire compliquée –pas encore terminée-, mêlant no-shows, localisation, système Adams et qui met en lumière les difficultés rencontrées par certains sportifs pour se plier aux règles actuellement en vigueur, qui ne tolèrent pas la moindre négligence.

Au départ, un changement de club

Il faut au préalable revenir à septembre 2013, lorsque James Theuri, alors licencié au Clermont Athlétisme Auvergne, prend la direction du Sco Ste-Marguerite Marseille, essentiellement pour des raisons « financières », comme il l’avoue lui-même. Corollaire, sa collaboration avec Jean-François Pontier (également manager du hors-stade auprès de la FFA) qui l’entraîne depuis six ans club de Clermont, s’arrête.

Sauf que c’est Jean-François Pontier qui renseignait la localisation de l’athlète sur le système Adams (système d’administration et de gestion antidopage), un « instrument de gestion en ligne qui simplifie l’administration des opérations antidopage des partenaires et des sportifs au quotidien » comme l’indique sur son site internet l’Agence Mondiale Antidopage (AMA).

Car James Theuri fait partie du groupe cible de l’AFLD (Agence Française de Lutte contre le Dopage) : à ce titre, il doit donc indiquer tous les trimestres une plage horaire d’une heure où il est susceptible d’être contrôlé de manière inopinée chaque jour (entre 6 et 21 heures). « Je n’ai jamais su comment faire avec Adams» glisse celui qui est détaché du 7e bataillon des chasseurs alpins de Varces.

« Si tu donnes de 20 à 21h, et que tu rentres tard de l’entraînement, que tu vas au ciné ou au restau, t’es mort…»

A la demande de l’athlète et conformément aux règles, un « représentant peut rentrer les données » à sa « place ». En l’occurrence Jean-François Pontier, qui disposait donc de codes spécifiques (pas les mêmes que l’athlète) pour renseigner la localisation de celui-ci. « Avec ces codes individuels, je ne peux renseigner la localisation que de Theuri, pas d’autres athlètes. Quand c’est moi qui rentre les données sur le nom d’un athlète, c’est rentré en tant que Pontier, pas en tant que Theuri. Quand Theuri fait une modif, c’est marqué Theuri » explique Jean-François Pontier, qui reprend : « Ce n’est pas simple à manipuler, c’est clair. Pour lui, le plus simple, c’était de donner une heure de localisation entre 6 et 7h le matin. Si tu donnes de 20 à 21h, et que tu rentres tard de l’entraînement, que tu vas au ciné ou au restau, t’es mort… A 6h, tu as plus de chances d’être chez toi que 20 h. Mais c’était déjà super compliqué quand il était à Clermont  ».

Ainsi, en septembre 2013, James Theuri comptait déjà deux no-shows à son « actif », deux fois où le médecin préleveur n’avait pas pu effectuer le contrôle (une fois car la sonnette n’avait pas fonctionné d’après le marathonien, la seconde car le changement d’hôtel à l’occasion du marathon de Paris n’avait pas été actualisé). Pour rappel, lorsqu’un athlète récolte trois no-shows en l’espace de 18 mois (ce sera un an à partir du 1er janvier 2015), il est suspendu *.

Après septembre 2013 et le changement de club, Jean-François Pontier cesse donc de renseigner la localisation de celui qui a terminé 10e du dernier marathon de Rotterdam en avril (2h14’48’’).« Là-dessus, il n’était pas très rigoureux, je lui ai dit : “je ne sais pas les compètes que tu fais, je ne peux pas le tenir à jour ; il faut que tu le fasses“ » rapporte t-il.

Convoqué par l’AFLD

Theuri, qui vit toujours dans l’agglo clermontoise et se fait désormais ses propres entraînements, ne figure plus sur les listes de haut-niveau seniors pour l’année 2013 (ni sur celles de 2014), listes arrêtées par le ministère des sports sur proposition de la FFA.

Mais il appartient toujours au groupe cible de l’AFLD, cette liste d’athlètes devant renseigner leur localisation et qui est établie en lien avec la Fédération. « Je pensais que je n’avais pas besoin de me localiser » assure t-il. Jean-François Pontier : « A mon avis, il y avait une confusion dans son esprit entre les listes de haut niveau et les listes de localisation. Ceux qui sont sur les listes de haut-niveau ne sont pas forcément localisés, et inversement ».

Toujours est-il qu’au printemps 2014, James Theuri a reçu plusieurs lettres comme quoi il n’avait pas renseigné sa localisation –les préleveurs ne peuvent donc pas venir effectuer les contrôles. Et cela est comptabilisé comme un no-show. Le 31e des Mondiaux de semi en avril dernier a fini par en enregistrer trois dans cet intervalle de 18 mois. Ce qui a entraîné une suspension provisoire.

Philippe Remond : « il a fait preuve de négligence »

Le dossier a donc été transmis à l’organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération, présidé par Michel Marle. Etaient présents James Theuri, le chef de sa section militaire au 7e bataillon des chasseurs alpins, ainsi que l’ambassadeur du marathon auprès de la FFA Philippe Remond, qui soulignait en septembre dernier après Paris-Versailles :« On a des arguments. On était de bonne foi devant la Fédé. Il a fait preuve de négligence ».

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Aux Europe de marathon en 2010 à Barcelone (Photo Gilles Bertrand)

« Pontier l’aidait à remplir ses papiers. Il y a eu ensuite rupture quand il est parti au Sco. Il (James Theuri) n’a pas fait ce qu’il devait faire » relève Michel Marle, après s’être remémoré le dossier. L’organe de première instance a entendu les arguments de James Theuri, décidant d’annuler un no-show, l’athlète pouvant donc recourir. « Je me souviens lui avoir dit : “attention, s’il y en a un troisième, ça va tomber“ » poursuit Michel Marle, également président du comité de prévention contre le dopage (« je participe à beaucoup de colloques, on forme également les athlètes au logiciel Adams sur des stages, on leur rappelle lors des championnats de France etc… »).

« C’est arrivé. C’est la vie d’un athlète »

Ainsi, James Theuri a été relaxé, mais ce n’est pas encore terminé, car l’AFLD l’a convoqué fin novembre. Et l’agence française de lutte contre le dopage peut soit entériner la décision de la commission discipline de la FFA, soit la réformer, et donc sanctionner l’athlète (James Theuri précise que c’est désormais son chef de section militaire qui entre les données dans Adams).

Toujours est-il qu’avec cette suspension provisoire, l’ex-légionnaire  n’avait pas pu prendre part aux championnats d’Europe de Zurich, pour lesquels il aurait dû participer sur marathon (sur la coupe d’Europe de la discipline). « J’étais trop déçu. J’étais très motivé, la préparation s’était bien passée. Ce n’est pas tous les ans qu’il y a un championnat comme ça. Le moral était vraiment très bas. Les championnats de France de semi-marathon, ça m’a fait du bien. Car à l’entraînement, je n’étais pas vraiment à 100% pour gagner. Quand tu fais 1h, 1h15’ de footing, tu penses à beaucoup de choses. Mais c’est arrivé. C’est la vie d’un athlète ».

Son objectif est désormais de se qualifier pour les Mondiaux 2015 à Pékin, sur marathon. Si l’AFLD ne revient pas sur la décision l’organe disciplinaire de la Fédé…

* les exemples sont pléthoriques. Teddy Tamgho est actuellement suspendu pour cette raison (jusqu’au 17 mars 2015). D’autres sportifs de renom, à l’instar des cyclistes Yoann Offredo ou Grégory Baugé ou bien des rugbymans tel que Yoann Huget, ont également été suspendus.

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