Tapis roulant : l'entraînement au chaud l'hiver

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Poste Le 17 août 2015 par adminVO2

Mis au goût du jour dans les années 80 par le crossman français Paul Arpin, puis tombé dans les oubliettes de la préparation physique des coureurs, l’entraînement sur tapis roulant fait un retour en force dans les salles de sport comme chez les particuliers.
Il est vrai qu’à première vue, la pratique du tapis roulant à des fins d’entraînement structuré est éloignée de celle des coureurs de route et de trail, ceux-ci préférant s’identifier à des chevaux sauvages qu’à des hamsters en cage. Et pourtant, la nécessité de s’entraîner en hiver étant première, cette pratique prend du sens et peut s’avérer indispensable pour certains.
Si vous n’avez pas de salle de sport à proximité et que vous désirez acquérir le matériel, comment choisir votre tapis ? Deux critères : votre budget et votre niveau d’expertise. Pour le budget, il faut compter quelques centaines d’euros pour un tapis de marche basique à plusieurs milliers d’euros pour un tapis sophistiqué avec un moteur puissant, des programmes variés, une longueur et une largeur de bande confortables, et de l’inclinaison. Par conséquent, si votre budget est limité, vous devrez vous contentez d’un tapis bridé à 14-16 km/h sur lequel les meilleurs se contenteront de séances d’endurance fondamentale et de récupération, et les moins experts de séances plus variées.
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Mais attention car la vitesse de confort est inférieure à la vitesse maximale. Pour les coureurs expérimentés, un tapis capable d’atteindre les 20 km/h est préférable, tout en sachant que l’on peut jouer ensuite sur l’inclinaison. En salle, les meilleurs tapis (également les plus chers) atteignent les 25 km/h et parfois les 25% de pente, de quoi pratiquer sans limite.
Avant d’expliquer les modalités de l’entraînement sur tapis, faisons le point sur les avantages et les inconvénients d’une telle pratique.
Les inconvénients

  • Sol assez dur et uniforme pouvant entraîner des pathologies de répétition.
  • Pas de résistance de l’air et donc pas d’évacuation de la chaleur produite.
  • Température ambiante souvent élevée
  • Pratique monotone et donc rébarbative.
  • Difficulté, voire impossibilité à pratiquer certaines formes d’entraînement : vitesse, fractionné …
  • Amplitude thermique importante entre l’entraînement en salle et l’entraînement à l’extérieur, ce qui nuit aux adaptations métaboliques.

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Les avantages
Il est avantageux de s’entraîner sur tapis si

  • Vos lieux d’entraînement (campagne, montagne) sont sans éclairage nocturne
  • Vos horaires de travail sont non compatibles avec une pratique de jour
  • Les températures externes sont extrêmes, ou les terrains impraticables
  • Vous n’avez pas la possibilité de croiser l’entraînement (vélo, ski de fond, ski alpinisme)
  • Vous êtes angoissé(e) à l’idée de vous entraîner seul(e) en certains lieux.
  • Vous aimez vous entraîner en musique et dans la convivialité (salle de sport)
  • Vous pouvez disposer d’un tapis professionnel avec des programmes variés (salle de sport)
  • Vous voulez respecter facilement des allures de course
  • Vous voulez travailler des allures spécifiques pour le marathon

De plus, vous avez la possibilité de

  • Travailler en côte comme en descente ! (voir plus loin)
  • Croiser l’entraînement (vélo, stepper, circuit renforcement) si vous êtes en salle de sport.

Rappelons aussi que la grande majorité des études de recherche en physiologie se déroulent sur tapis, le lien est donc réel entre le travail sur tapis et la réalité de terrain. Maintenant, si vous avez plus d’avantages que d’inconvénients à vous entraîner sur tapis roulant, voyons dans quelles conditions pratiquer une bonne séance.
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Tout d’abord à quelle fréquence peut-on pratiquer ? En raison des contraintes citées plus haut, nous recommandons de ne pas dépasser deux séances par semaine. Chaque séance ne devra pas excéder une heure de course, même en discontinu. Veillez à ce que la température ambiante ne dépasse pas les 20°C. Sinon, ouvrez une fenêtre ou équipez-vous d’un simple ventilateur que vous placerez face au tapis et qui mimera la résistance de l’air. En effet, pour que la température corporelle se régule, il faut que la transpiration soit évacuée. Habillez-vous légèrement, comme en été, et disposez d’un moyen d’hydratation que vous utiliserez régulièrement.
Et bien entendu, en salle comme à l’extérieur, l’échauffement est nécessaire en préambule de toute séance. En extérieur, même sans s’en rendre compte, les 10-15 premières minutes sont courues plus lentement. Sur le tapis, il faut donc débuter à une vitesse inférieure à celle de la séance qui va suivre, même si la séance prévue est un simple footing à allure constante. Par exemple, pour réaliser 1h à 12 km/h, on commence par 10 mn à 10 km/h avant de passer à la vitesse supérieure. En fin de séance, on peut passer à 12.5-13 km/h.
Même si la température de la salle excède les 20 degrés et favorise l’augmentation de la température interne, les différentes parties du corps (muscles, tendons, articulations, système neuromusculaire) présentent des inerties différentes de mise en chauffe. Par exemple, les muscles et les tendons sont en période de repos à la température de 36°C. Or, on sait que leur rendement est maximum à la température de 39°C car cette température amène une baisse de la viscosité des muscles, des augmentations de l’élasticité des tendons, de la souplesse musculaire et du débit d’oxygène sanguin.
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Le système nerveux a aussi un fonctionnement optimum entre 38°C et 39°C, et une amélioration des transmissions nerveuses entraîne une accélération de la vitesse de contraction musculaire de 20%. Pour ces deux raisons, un individu échauffé à 38°-39°C peut travailler physiquement avec moins de fatigue, moins de traumatismes articulaires, et avec une précision supérieure à celle d’un individu non échauffé.
Les effets bénéfiques de l’échauffement sont donc : adaptation cardio-vasculaire, mise en condition du muscle, mise en condition nerveuse, mise en condition articulaire (plus grande fluidité de la synovie qui lubrifie nos articulations), amélioration de l’attitude mentale et effet protecteur sur le cœur prouvé par diverses études.
Autre chose, courir sur tapis nécessite un apprentissage. En effet, vous restez immobile et la route défile sous vos pieds, assez inhabituel comme pratique, contrairement au home trainer pour lequel le geste reste le même. Ainsi, les sensations sur tapis roulant sont trompeuses et la vitesse paraît toujours plus élevée que la vitesse réelle.
Quelles séances pratiquer ?
Voici des exemples de séances, avec des allures à faire varier selon l’expertise. Chaque séance n’excède pas une heure. La récupération finale peut se faire sur vélo si vous êtes en salle de sport.
Séances en Endurance Fondamentale :
Séance 1 : 40 mn en continu avec paliers à 10 et 30 mn. (40mn, c’est très long sur tapis !)
(10 mn échauffement à 10 km/h puis 20 mn à 11 km/h et 10 mn à 12 km/h), ou 10 mn à 55% VMA, 20 mn à 60% et 10mn à 65% de VMA.).
Séance 2 : 2 x 30 mn
(10 mn échauffement à 10 km/h puis 20 mn à 11 km/h – 5mn pause avec hydratation – 10 mn à 11 km/h, 10 mn à 12 km/h et 10 mn à 12,5 km/h)
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Séance en endurance active
10 mn à 65 % VMA + 30 mn à 75% VMA. Par exemple, pour une VMA à 16 km/h, 10mn à 10.5 km/h puis 30mn à 12 km/h
Séance au seuil
15 mn échauffement à 55% VMA + 3 x 10 mn à 85% VMA avec 3mn récupération à 50% VMA + 5-10 mn à 50% VMA. Soit pour une VMA de 16 km/h : 10mn à 9 km/h, puis 3 x 10 mn à 13.5 km/h avec 3 mn récup à 8 km/h, puis 5-10 mn retour au calme à 8-9 km/h.
Les séances de VMA sont plus délicates à pratiquer car elles demandent beaucoup de manipulation sur les commandes du tapis. Elles peuvent se faire sur un tapis programmable.
Du dénivelé à la maison
Enfin, le travail de côtes est possible sur tapis, et il peut même s’avérer très judicieux pour les coureurs de plaine, encore faut-il le pratiquer avec certains repères. En côte, le coût énergétique de la foulée augmente, ce qui réduit la vitesse pour une même intensité de course. Les vitesses données dans le tableau ci-dessous sont issues d’une recherche actuelle (CRIS Lyon 1) elle-même inspirée des travaux de Minetti et Di Prampero. Ce tableau nous indique par exemple que courir à 20 km/h à plat revient à courir à 10.5 km/h dans une côte à 20%. Bien entendu, à l’extérieur, compte tenu de la technicité du terrain, cette vitesse serait encore réduite.
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Correspondance  vitesse à plat/vitesses en côtes. P. Balducci – CRIS Lyon 1

Les mêmes formules basées sur les coûts énergétiques (rappel : VMA = VO2max/coût énergétique), permettent de calculer les vitesses en descente pour les rares cas où les tapis peuvent s’incliner dans ce sens. Si en montée le coût énergétique augmente proportionnellement avec la pente, le lien coût – course en descente est plus complexe. En effet, le coût diminue jusqu’à atteindre un minimum à 10% de pente, puis il augmente en raison de l’énergie dépensée pour  freiner le corps engagé dans la pente. Ainsi il est plus coûteux de courir en descente à 15% qu’à 10% !
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 Correspondance  vitesse à plat/vitesses en descente. P. Balducci – CRIS Lyon 1

Bien entendu, le travail en descente est limité par les capacités d’inclinaison du tapis et par les vitesses atteintes. De même, seule la dimension musculaire (travail en excentrique) est possible, les dimensions technique et psychologique (l’engagement) étant absentes. Cela signifie que rien ne remplace un entraînement en nature.
A l’aide de ces tableaux, vous pouvez alors composer vos propres séances sur tapis et ainsi travailler sur de longues côtes en continu, en faisant varier la pente et la vitesse, ou fractionner sur de plus courtes durées. Idem pour les descentes où il suffit de quelques pourcents pour travailler en excentrique et réaliser ainsi un travail musculaire efficace.
A la lumière de toutes ces indications, il ne vous reste plus qu’à prendre le tapis en marche, ou plutôt en course, et passer un hiver au chaud, sans oublier que rien ne remplace la pratique de terrain, même si les compétitions sur tapis existent !
Texte : Pascal Balducci
Photos : Thierry Sourbier, Virginie Govignon
Cet article sur CRAPA, outil de préparation pour le coureur à pied, est paru dans les pages conseils du numéro 240 de VO2 Run, disponible ici.

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