Nutrition : comment se nourrir quand il fait chaud ?

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Poste Le 8 septembre 2015 par adminVO2

L’été poursuit son cours, les épreuves éprouvantes dans la chaleur également. Il reste quelques belles semaines de soleil devant nous pour s’intéresser à la stratégie nutritionnelle optimale à adopter en période de forte chaleur.
Priorité n°1 : vous hydrater pour éviter la surchauffe
Véritable mécanisme de protection de l’organisme pour éviter l’augmentation de la température corporelle pouvant être à l’origine d’une perte de connaissance, voire de décès, la transpiration est à l’origine d’une perte d’eau mais aussi d’électrolytes, en particulier de Sodium. La capacité à « suer » est toutefois très différente d’un sportif à l’autre : en effet, certains possèdent un seuil de déclenchement de la sudation bas. Ce qui représente, physiologiquement parlant, un avantage certain.
Par ailleurs, au même titre que l’intensité d’effort et le type d’activité, les conditions climatiques influent de manière significative sur la déshydratation. Les pertes hydro-électrolytiques au cours de l’effort varient ainsi de manière importante en fonction des conditions de pratique et selon les individus. Au cours d’un effort de 1 à 2h, les pertes peuvent atteindre 1,5 à 1,8 L/heure d’effort, voire 2 à 2,5 litres/h en cas de forte chaleur, puis environ 1L/heure sur des épreuves de plus longue durée. Les valeurs maximales enregistrées lors de l’Ironman d’Hawaï ont par exemple atteint jusqu’à 25 Litres. En moyenne, un marathonien transpire plus de 4 L de sueur tout au long des 42,195km parcourus.
Quelles sont les conséquences de la déshydratation sur la santé et les performances ?

  • Elle altère les performances aérobie et anaérobie : il est commun de lire ou d’entendre qu’une déshydratation de 1% du poids corporel engendre une diminution des performances de 10%, de 2% une diminution des performances de 20%, etc. Même si cette vulgarisation demeure empirique, elle permet néanmoins d’illustrer l’importance de l’hydratation. 2% de déshydratation représentent par exemple 1,4 L pour un sportif de 70kg, soit le volume pouvant être perdu en à peine 1h d’effort. Courir à 90 voire 80% de ses capacités après une heure d’effort, c’est dommage, non ? Une étude parue dans le Journal of the American College of nutrition en 2007 mentionne par ailleurs qu’une déshydratation de 2% engendre une augmentation du temps de réaction de 10,7%, une déshydratation de 4% de 21,4%. Donc si vous voulez conserver votre vigilance et la qualité de votre vigilance, un seul mot d’ordre : b.u.v.e.z !

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  • Elle augmente les risques de survenue de troubles digestifs. Plus vous réalisez un effort intense et en environnement chaud, plus l’irrigation sanguine des organes digestifs diminue : cette ischémie peut atteindre jusqu’à 80% de la valeur de repos. Au delà de son effet immédiat sur la capacité de digestion, ce mécanisme est à l’origine d’une fragilisation de la muqueuse intestinale pouvant être responsable de perturbations immunitaires ou inflammatoires que nous avons eu l’occasion d’évoquer lors du précédent numéro (voir VO2 N°236).
  • Elle augmente les risques de crampes, de blessures et de « coup de chaleur » (baisse de vigilance, vomissements, troubles du comportements et respiratoires, voire perte de connaissance).
  • Elle est responsable d’une hémoconcentration, à l’origine d’une augmentation de la viscosité du sang, d’une moindre capacité d’épuration des déchets, d’une altération des échanges thermiques et de la perfusion des muscles actifs. Elle diminue par ailleurs le volume d’éjection systolique et augmente de ce fait le rythme cardiaque.
  • Elle multiplie par 5 les risques d’apparition de calculs rénaux à long terme chez le sportif d’endurance.

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Par ailleurs, l’effort de longue durée, associée à une stratégie d’hydratation inadaptée, peut être à l’origine d’une hyponatrémie symptomatique plus communément connue sous le nom d’intoxication à l’eau. En effet, lorsque le sportif compense ses pertes en eau mais pas en Sodium, il s’en suit une diminution de sa concentration plasmatique à l’origine d’une baisse des performances, de maux de têtes, de crampes, de nausées voire d’une perte de connaissance dans les cas les plus extrêmes.
D’autres facteurs peuvent augmenter les risques d’hyponatrémie : prise de diurétiques, consommation excessive de bière ou dysfonctionnement rénal. Les femmes, les sportifs souffrant de troubles digestifs, lents et/ou peu acclimatés sont par ailleurs plus exposés à ce risque, par ailleurs plus fréquent lors d’efforts d’une durée supérieure à 3h. On estime à 15 à 30% le pourcentage de marathoniens souffrant d’une hyponatrémie modérée pendant ou après l’effort. C’est pourquoi une stratégie orientée sur la prise unique de soda, de sirop ou de jus de fruits au cours des efforts de longue durée est à éviter, surtout par climat chaud et si vous ne faites pas partie du peloton de tête.
En pratique : orientez-vous vers une stratégie nutritionnelle essentiellement liquide
Il peut être difficile voire impossible de compenser la déshydratation au cours des efforts de très longue durée réalisés dans un environnement chaud. Par ailleurs, la forte chaleur est à l’origine d’un moindre attrait pour l’alimentation solide : l’ischémie digestive est plus importante et donc la capacité de digestion plus faible, l’élévation de la température corporelle réduit l’appétit, la baisse de production de salive rend la bouche plus pâteuse et donc les aliments plus difficiles à avaler, en particulier lorsqu’ils sont friables ou secs, le besoin d’hydratation réduit l’envie de sucré et accélère l’écoeurement pour les boissons, d’autant plus qu’elles sont chaudes. Au final, la stratégie nutritionnelle sous forme liquide représente la solution optimale.
En pratique :

  • Pensez à bien boire entre la fin du repas d’avant-course et le départ, environ 500 ml par petites gorgées en 3 à 4h. Attention à la surconsommation de caféine, possédant une forte activité diurétique.
  • Boire dès le début de l’effort. Tout ce qui est perdu ne sera pas récupéré !
  • Boire régulièrement par petites quantités : en effet, une prise fractionnée favorise la vidange gastrique et le confort qui en découle. Boire régulièrement l’équivalent d’une à 2 gorgées toutes les 7 à 10min. Le volume théorique conseillé est de 500 ml/h ou 6 à 8 ml/kg poids corporel/h. Toutefois, en fonction des conditions climatiques, de l’intensité et de la durée de l’effort, des tolérances et des niveaux de déshydratation individuels, ce volume peut varier de 300 à 900 ml /heure d’effort. Si vous buvez environ 500 ml/h de boisson, complétez vos apports glucidiques par environ 15 à 20g/h de glucides sous forme solide, soit l’équivalent d’une pâte de fruits ou d’une demi-banane bien mûre qui sont des aliments digestes par temps chaud et à consommer uniquement pour des efforts d’une durée supérieure à 4h. En effet, pour des durées inférieures, nul besoin de solides si vous avez veillé à optimiser votre stock de glycogène musculaire au cours de la semaine précédant la course et si votre boisson de l’effort est de qualité. Si vous buvez de 700 à 800 ml / heure, l’apport de glucides sous forme de boisson seule peut suffire. Il est toutefois difficile de définir une stratégie théorique universelle. La notion d’individualisation est essentielle tant en terme de volume, de fréquence que de nature des apports alimentaires. D’une manière générale, considérer un apport glucidique total de 0,6 et 1g/min (35 à 60g/heure) en fonction de l’intensité.

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  • Testez votre stratégie à l’entraînement, dans des conditions de course et à plusieurs reprises, pour plusieurs raisons : pour vérifier votre tolérance à la boisson choisie et pour habituer votre estomac à se dilater au cours de l’effort. Entraînez votre estomac, au même titre que votre cœur et vos muscles !
  • Consommez une boisson de l’effort de qualité, isotonique voire légèrement hypotonique. S’il existe bien un produit diététique méritant toute votre attention, c’est la boisson de l’effort. Les boissons présentent en effet de nombreux avantages, d’autant plus importants que vous orientez votre stratégie vers une nutrition liquide : apport de sodium et autres électrolytes (magnésium, potassium, zinc, etc.), de vitamines, de glucides à l’assimilation complémentaire, d’acides aminés fonctionnels (BCAA notamment), de sels désacidifiants pour tamponner l’acidité générée au cours de l’effort (citrates, bicarbonates). Elles permettent également de vous garantir une osmolarité adaptée à la pratique sportive. La notion d’osmolarité est en effet essentielle en matière d’hydratation. Elle définit la quantité de particules osmotiquement actives dans une solution, en particulier le sodium et le glucose, en comparaison de celle du plasma : une boisson est dite isotonique lorsque son osmolarité est proche de celle du plasma, hypotonique lorsqu’elle est inférieure et hypertonique lorsqu’elle est supérieure. Par forte chaleur, la consommation d’une boisson légèrement hypotonique est à privilégier afin de faciliter l’hydratation. A l’inverse, attention aux produits hypertoniques telles que la plupart des gels énergétiques ou les pastilles de chlorure de sodium. Contrairement à certains discours marketing, c’est le meilleur moyen, d’une de vous déshydrater, de souffrir de troubles digestifs hauts (reflux gastro-oesophagiens) et bas (troubles du transit) !

En résumé, la clé du succès en matière de nutrition par forte chaleur est simple : une boisson, de qualité, consommée en petites quantités dès le début et tout au long de l’effort, éventuellement associée à un peu d’aliments solides sous forme digeste chaque heure pour les courses de longue durée.
Texte : Anthony Berthou, nutritionniste
Photos : Thierry Sourbier, MDS/Cimbaly

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