Le CrossFit à l'entraînement : pourquoi pas ?

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Poste Le 8 septembre 2015 par adminVO2

Le CrossFit est une méthode nouvelle d’entraînement, consistant en la réalisation d’une série d’exercices de type renforcement musculaire et/ou cardiovasculaire à une intensité élevée avec peu ou pas de récupération. Cette méthode, proche de ce qu’on appelle depuis plus longtemps le « circuit training », est apparue en France depuis 2011. A-t-elle des intérêts pour le coureur à pied ?
Le CrossFit est une méthode d’entraînement qui vient des Etats-Unis, mais aussi une marque déposée par une société de Fitness (CrossFit, Inc.) créée en 2000 par Greg Glassman et Lauren Jenai à Santa Cruz en Californie. Le CrossFit se veut une méthode d’entraînement physique générale permettant d’améliorer 10 qualités athlétiques : l’endurance cardiovasculaire et musculaire, la force, la souplesse, la vitesse, la puissance, la coordination, l’agilité, l’équilibre et la précision. Bref, un peu tout en somme !
Cette méthode combine et mixe des exercices d’endurance, des mouvements de gymnastique (utilisant le poids du corps uniquement) et des exercices d’haltérophilie. Le CrossFit utilise des mouvements fonctionnels, c’est-à-dire des mouvements naturels que l’on retrouve dans la vie quotidienne : s’asseoir et se relever d’une chaise, s’accroupir, ramasser ou soulever des objets, courir, sauter,…
Les séances d’entraînement se déroulent généralement dans des salles de sport affiliées surnommées les boîtes ou « boxes ». Une session d’entraînement comprend généralement un échauffement, une partie technique, une séance du jour ou WOD (Workout Of the Day) et des étirements. Le programme est identique : seuls les charges, l’intensité et les temps de récupération sont adaptés aux capacités individuelles de chacun. Certains entraînements comprennent aussi une séance de renforcement musculaire avant le WOD.
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La performance lors du WOD, qui dure environ 20 minutes, est généralement mesurée et enregistrée de manière à pouvoir suivre ses progrès individuels mais aussi se comparer aux autres. Aux Etats-Unis, le CrossFit est utilisé comme méthode d’entraînement dans de nombreuses salles de sport affiliées (estimées à plus de 10.000) mais aussi par les pompiers, les policiers et les militaires, et certains enseignants en éducation physique au collège et au lycée.
Certaines filiales CrossFit sont aussi spécialisées dans les programmes pour femmes enceintes, personnes âgées ou militaires en préparation spéciale. Il existe aussi des compétitions officielles de CrossFit comme les « Crossfit Games » considérés comme les championnats du monde de la discipline qui se déroulent sur plusieurs jours. Le mouvement CrossFit va à l’encontre des modèles de remise en forme classiques.
Il prône aussi le régime nutritionnel de type « Paléo » (c’est à dire l’alimentation de nos ancêtres à base de viande, poissons, légumes et fruits avec suppression des produits industriels et du sucre raffiné) et les chaussures minimalistes. CrossFit fait aussi usage d’un modèle communautaire virtuel sur Internet très actif (voir www.crossfit.com)
Contrairement aux méthodes de musculation classiques qui reposent souvent sur des mouvements mono-articulaires, le CrossFit prône les mouvements poly-articulaires où des muscles différents vont travailler en même temps, augmentant la dépense énergétique de l’exercice. Les séances paraissent donc plus ludiques, car un très grand nombre d’exercices peuvent être réalisés en combinant travail musculaire et travail aérobie. Ceci a l’avantage d’éviter la lassitude du pratiquant et conviendra parfaitement aux personnes qui aiment « se mettre dans le rouge ».
A l’inverse de beaucoup de salles de musculation traditionnelles, qui ont tendance à exacerber l’individualisme (ex. miroirs pour s’admirer), le CrossFit encourage les séances en groupe avec un chronomètre à surveiller pendant le WOD. Trois types de séances différentes composent généralement un d’entraînement de CrossFit :

  • Des séances orientées vers l’apprentissage de la technique de certains exercices relativement complexes comme ceux présents en gymnastique ou en haltérophilie
  • Des séances basées sur le renforcement musculaire afin d’augmenter sa force maximale comme on le ferait en musculation classique
  • Des séances où l’on va enchaîner un certain nombre d’exercices en réduisant le plus possible la récupération, voire en la supprimant complètement car ce type de séance est chronométrée. Ce type de séance porte le nom de MetCon, abréviation anglo-saxonne de « metabolic conditionning », le but étant de dépenser le plus de calories possible en un minimum de temps.

Les rythmes d’entraînement en CrossFit généralement utilisés sont : 3 jours d’entraînement/1 jour de repos ou 5 jours d’entraînement/ 2 jours de repos.
Quel bénéfice pour le coureur ?
En tant que coureur, vous allez gagner un peu de force, de puissance, de gainage pour améliorer l’efficacité de votre foulée. Le CrossFit, en mélangeant les exercices de musculation et un travail cardio-vasculaire, est une méthode intéressante pour le coureur à pied pour compléter ses séances de course à pied traditionnelles ou remplacer des séances en cas de météo capricieuse. Le terme « CrossFit Endurance » est parfois utilisé pour parler d’un programme qui combine des séances de CrossFit avec des séances spécifiques d’endurance en course  à pied, vélo, natation, rameur, etc…
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Avec un coach vous donnant des bons feedbacks, vous pourrez apprendre à réaliser correctement les mouvements fonctionnels de renforcement musculaire. Ceci vous permettra de réduire le risque de blessures, et de profiter pleinement des bénéfices de l’exercice. Beaucoup de coureurs sont faibles sur leurs appuis.
Ceci peut provenir d’une faiblesse au niveau des membres inférieurs qui pourra sûrement être comblée par des séances de CrossFit. Un gain de puissance sera bénéfique aussi bien pour les courses sur route que sur les courses de type trail. Vous travaillerez les muscles du haut du corps, souvent délaissés, à tort, par les coureurs à pied. En effet, un équilibre musculaire entre le haut et le bas du corps est nécessaire pour être dynamique sur ses appuis et devenir un meilleur coureur.
Quels risques de blessures ? 
Le CrossFit, de part son caractère intense, est souvent accusé de favoriser les blessures de type musculaire, tendineuse ou articulaire. Le risque de blessures dans certains exercices de CrossFit peut dépasser les avantages retirés quand ils sont réalisés avec une mauvaise technique pendant les entraînements chronométrés. Le principe du Crossfit qui repose sur la manipulation de poids associée à des mouvements balistiques peut-être en effet très traumatisant pour les tendons et les articulations.
Une étude récente a cependant montré que la fréquence des blessures en CrossFit était similaire à celle observée dans les autres sports comme la gymnastique et l’haltérophilie, et plus faible que celle des sports de contact comme le rugby par exemple. Les blessures les plus fréquentes se situent aux niveaux des épaules et du dos avec un taux moyen d’apparition des blessures estimé à 3.1 pour 1000 h de pratique (Hak et coll. 2014, J Strength Cond Res). Une certaine individualisation des séances de CrossFit supervisées par un coach reconnu est le moyen le plus sûr d’atteindre son meilleur niveau en réduisant les risques de blessures. Même si cela va un peu à l’encontre de la philosophie du CrossFit qui est de se préparer à l’imprévu et à l’inconnu.
Capacité aérobie maximale
S’il est reconnu que l’entraînement intermittent à haute intensité en course à pied a des effets positifs sur les capacités maximales aérobies des coureurs, les effets bénéfiques du CrossFit sur les aptitudes maximales aérobies restent mal connus. Des chercheurs américains de l’Université de Colombus en Ohio, ont montré cependant qu’un entraînement de type CrossFit, mené chez des sujets hommes et femmes de niveau « moyen », pendant 10 semaines à raison de 5 séances par semaine, permettait d’augmenter leur consommation maximale d’oxygène (VO2max) de 10% environ (passant de 36 à 40 ml/kg/min).
Parallèlement, le pourcentage de masse corporelle des individus diminuait de 27% à 23% et leur masse musculaire augmentait de 1 kg environ (Smith et coll. 2013,  J Strength Cond Res). Cette étude montre qu’un entraînement en CrossFit comprenant des exercices pluri-articulaires réalisés à haute intensité, sans entraînement particulier de type aérobie, peut améliorer les capacités aérobies maximales et augmenter la masse musculaire.
Comment associer CrossFit et course à pied ?
Sans réaliser 5 séances de CrossFit par semaine, quelques entraînements de ce type peuvent être un bon complément à votre entraînement de course à pied classique. Vous pouvez par exemple garder vos séances de type aérobie  (< 70% de VO2max) en course à pied et y adjoindre une, deux séances voire trois de CrossFit hebdomadaires pendant la saison hivernale où vous n’avez pas de compétitions. Mais n’en abusez pas, une surcharge musculaire sans récupération adéquate est le meilleur moyen pour se blesser.
Les séances de CrossFit ne nécessitent pas trop de temps et peuvent être pratiquées en salle, ce qui est un avantage quand les conditions météo sont mauvaises. Coureurs ou coureuses, débutants ou confirmés, vous tirerez surement des bénéfices d’un entraînement de type CrossFit pour votre pratique de course à pied en l’intégrant intelligemment dans votre planification. Considérez le CrossFit comme un complément à votre entraînement en course à pied, pas comme un supplément.

Petit glossaire du CrossFit

After : Travail complémentaire à la séance effectuée, plus ludique
AMRAP : A répéter le plus grand nombre de fois (En anglais : As many reps as possible)
Box : Salle où l’on pratique le CrossFit
BP : Bench press ou développé couché
C&J : Clean and jerk, épaulé-jeté
Cool down : Période de récupération, d’étirements et de massages
DL : Deadlift, soulevé de terre.
DU : Double under, double saut à la corde
For Time : D’une traite, sans repos, ni récupération, le plus vite possible.
HSPU : Hand stand push ups, pompe en équilibre debout sur les mains
KB : Kettlebell, poids en fonte avec une anse.
PR : Personal record
PU : Pull-up, traction
REP : Répétition
1RM : Répétition maximale i.e. le maximum soulevé sur une répétition
Skill : Apprentissage des mouvements de base + travail technique aux mouvements de gymnastique, d’haltérophilie
SQ : Squat
SUBBED : Substituted. Si vous n’effectuez pas un exercice, il sera remplacé par une autre.
Warm-up: Echauffement général + échauffement spécifique, réalisé en général avec tout le groupe pour bien préparer la séance
W.O.D. (Workout Of the Day) : Entraînement du jour ou corps de séance composé de plusieurs exercices réaliser à haute intensité. Certains WOD portent des prénoms féminins. Ne vous fiez pas à ces prénoms charmeurs, ces WOD sont particulièrement intenses. Par exemple, le WOD « Angie » consiste à enchainer le plus rapidement possible : 100 tractions, 100 pompes, 100 abdos et 100 flexions en squat.
A titre indicatif, un non spécialiste mettra certainement plus de 30 min ; Chris Spealler un des meilleur Crossfitter du monde met environ 10 min. Les débutants peuvent se contenter d’un ¼ Angie avec 25 répétitions de chaque à la place de 100. Vous pouvez aussi essayer le « Nicole » qui consiste à enchainer 400m en courant avec un maximum de tractions à la barre fixe, le plus de fois possible en 20 min. ; le nombre maximum de tractions départagera les ex-aequo !
Texte : Romuald Lepers, enseignant-chercheur à l’université de Dijon.
Photos : Istock.

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