Courir lentement pour aller plus vite?

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Poste Le 8 septembre 2015 par adminVO2

Le Temps. Georges Brassens prétendait qu’il « ne fait rien à l’affaire ». Pour Newton il n’était qu’un « flux continu ». Platon le définissait comme : « l’image mobile de l’immobile éternité. » L’adepte de la foulée, lui, le combat sans cesse. Mais si, pour en gagner et faire un « bon » temps, il s’agissait parfois de ralentir ? Explications.
Prendre son temps n’est pas le perdre. Bien au contraire. Dans son ouvrage : Éloge de la lenteur, le journaliste canadien Carl Honoré prévient ses lecteurs : « Il faut retrouver sa tortue intérieure ! » Figure emblématique du « Slow movement », l’auteur signale que ralentir peut conduire à un véritable « tremblement de terre culturel. »
Pourtant, cette invitation à la lenteur suscite encore beaucoup de méfiance dans la culture occidentale. Carl Honoré qui prétend : « Je vivais autrefois dans une prison de vitesse » n’en demeure pas moins convaincu que la « révolution lente » est en constante progression. Il y a cependant une jubilation à aller vite, surtout pour les coureurs à pied. La rapidité est stimulante, excitante, même si bon nombre de sociétés dénoncent le stress qu’elle engendre.
Dans son roman : La Lenteur, Milan Kundera parle de la vitesse comme d’une extase, tout en dénonçant que l’homme, par une fascination pour celle-ci, a délaissé les vertus de la lenteur. Notre obsession d’en faire toujours plus en moins de temps s’est transformée en dépendance, au point de privilégier la quantité au détriment de la qualité. Ce que Carl Honoré appelle « sa tortue intérieure » est en fait le point d’équilibre qui permet d’opposer le mieux au plus rapide, la qualité à la quantité.
Taï-chi-chuan et Yoga
Parmi les disciplines et exercices de mouvements référencés de notre humanité, le Yoga et le Taï-chi-chuan s’inscrivent comme les premiers enseignements pour une lente gymnastique de bien-être. Vers le IVe siècle avant J-C sont rédigés les textes qui deviendront ceux de référence en Yoga. Deux siècles auparavant, le Tao Tö King (livre de la voie et de la vertu) fait référence au Wu-wu-wei (agir sans agir), série d’activités physiques très proches du taï-chi-chuan.
Porté par cette culture, Olivier Vallaeys, conseiller technique national et entraîneur à l’INSEP, en adapte les techniques pour une préparation physique optimale. Afin de développer sa méthode, le technicien français la repose sur deux fondements essentiels de ces pratiques : la Concentration et l’Équilibre.
Il reprend la logique du Yoga qui, d’un travail postural, autorise une prise de conscience de la manière dont les forces sont appliquées au sol. Ensuite, il fait  réaliser, de la même manière qu’en Taï-chi-chuan, les gestes athlétiques à des vitesses très réduites. Tel Carl Honoré ou Milan Kundera, Olivier Vallaeys s’emploie également à faire l’éloge de la lenteur pour prétendre : « Développer la vitesse en étant le plus lent possible. »
Nombreux grands noms du sport ont déjà eu recours au Yoga et Taï-chi-chuan dans leur préparation. Ces disciplines pratiquées dans leur forme d’origine ou de manière adaptée au sport qu’elles vont servir , en plein-air ou dans des salles surchauffées, par des sportifs différents (boxeurs, basketteurs, athlètes, footballeurs, tennismen), ont contribué à l’équilibre et conforté les champions dans leur quête de performances.
L’exercice qui va suivre permet au coureur de développer une technique de foulée correcte. Il l’oblige à se concentrer tout en stimulant les systèmes articulaires et musculaires de la course à pied.

Les trois phases de l’exercice de lenteur

Déroulement

Première phase. Sur une ligne droite (de 5 à 20 mètres), dans un style lent et le plus délié possible, réalisez les mêmes gestes que ceux pratiqués sur une course dans laquelle le pied se pose au sol par le talon et le quitte par les orteils. Harmoniser le dissynchronisme bras – jambes et régler la respiration sur le cycle de la jambe libre (inspiration quand le genou monte – expiration quand il descend).

Réaliser, épaules basses, le  mouvement des bras. Corriger son amplitude et son axe de course. Maintenir l’équilibre en restant le plus droit possible. Prendre conscience que l’on avance vers l’avant et non vers le haut.
L1
Deuxième phase. Sur place, poussez sur le pied de la jambe d’appui jusqu’à lever le talon. Avancer le genou de la jambe libre. Prendre conscience de l’agissement au sol pour faire avancer le genou. Développer en cycle avant celui de la jambe libre pour le terminer par une pose de pied au sol : à plat ou sur la plante.
L2
Troisième phase. Sur une ligne droite (de 5 à 20 mètres), adopter le même style que pour la première phase en prenant conscience que la force mise dans le sol fait avancer le genou de la jambe libre. Veiller à terminer le cycle de l’avancée par une pose de pied identique à celles de la deuxième phase.
L3
Variantes   
* Avec ou sans chaussures
* Sur une ligne tracée au sol (droite ou incurvée – virage). Une fois familiarisé avec l’exercice
* Sur une bande légèrement surélevée (poutre, muret, bordure de trottoir…)
* Matérialiser (plots, lattes…) les intervalles d’appuis (de 2 à 4 pieds).
Quand le pratiquer ?
En raison de la mise en tension progressive musculo-tendineuses, et de la demande de concentration, cet exercice peut se pratiquer en début de séance de course lors de l’échauffement. Ou être inclus au corps de séance au cours d’un entraînement technique de course ou de Préparation Physique Générale.
Il peut aussi intervenir à la fin d’un entraînement, lorsque le coureur recherche la technique ou la force sur fatigue. Vu la simplicité de sa mise en place, la lenteur peut se pratiquer entre la cuisine et le salon, dans le jardin, un couloir, et à tout moment de la journée. Chaque fois que l’on se donne le temps d’en prendre.
Avantages
En raison du lent déroulement imposé, cet exercice permet d’apporter une correction aux gestes négatifs qui entravent la foulée.
Ne pas oublier
Il s’agit d’un exercice en mouvement. À aucun moment ce dernier doit stopper. Veiller à ce qu’il se déroule en continu. Vérifier l’adage : « Dans tous ce que tu fais, hâte-toi lentement ! » Car même ainsi, le coureur qui existe en chacun de vous a été, est, et sera toujours un adepte et un pratiquant du mouvement perpétuel.
Texte : Michel Milcent.

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