Comment adopter une foulée efficace?

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Poste Le 17 septembre 2015 par adminVO2

Dans «Les Olympiques», Henry de Montherlant la définit agile, merveille de finesse. Quand il chante : «Je cours», Bernard Lavilliers veut allonger celle de rêve, sans tomber dans le « marche ou crève ». De celle sautillante que Tom Mac Nab attribue au mexicain Martinez sur «La grande course de Flanagan», à celle nonchalante et rapide décrite par Joseph Kessel dans son roman Le Lion, la foulée trouve sa place dans la littérature. Néanmoins l’élément fondamental différenciant la course de la marche est véritablement complexe. Tentons de l’appréhender, et de le perfectionner…
Chacun la sienne. Détailler l’enjambée du coureur dans sa partie de contact ou aérienne, la décomposer en 2 cycles (avant, arrière), ou détailler les 3 phases de l’action du pied (appui, maintien, impulsion), serait chose inutile s’il n’y a pas eu au préalable une prise de conscience que chacun possède la sienne. Tout individu, peu importe ses aptitudes, exprime par sa foulée une affirmation personnelle.
Sans vouloir la changer, l’améliorer apporte de l’assurance. Le temps est un facteur incontournable dans tout apprentissage, il vaut mieux de fréquentes mises en situation sur des courtes séquences plutôt que de longs entraînements occasionnels comportant un trop grand nombre d’exercices dont la multitude restreindra l’assimilation.
Les placements essentiels
Préservez vos courbes ! Inutile de traiter l’efficacité de la foulée sans un placement correct de la colonne vertébrale. Ce système de soutien est un véritable amortisseur vertical. Son positionnement permet, ou non, aux membres inférieurs et supérieurs d’apporter leur contribution efficace à la course. Respectez la courbure normale en forme de S (lordose cervicale, cyphose dorsale, lordose lombaire), car cette configuration permet à la colonne vertébrale d’assurer ses fonctions en toute sécurité. Les courbes ne doivent être ni exagérées, ni effacées. Garder le dos droit dans son axe.
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Exercices pour prendre conscience de la mobilité du bassin (en position debout).
* La rétroversion.
En expirant, positionner le pubis vers l’avant en rentrant le ventre comme pour avancer les fesses.
* L’antéversion.
En inspirant, positionner le pubis vers l’arrière en sortant les fesses, en augmentant ainsi la cambrure lombaire.
* La position neutre (celle avec laquelle le coureur doit se déplacer).
Adopter une respiration normale et placer le pubis au centre des deux positions précédentes. Faire appel à l’imagination pour visualiser un récipient rempli d’eau à la place du bassin. Pour éviter de renverser de l’eau vers l’avant, l’arrière ou sur les côtés, maîtriser cette position neutre est essentiel. De cette manière la courbure lombaire assure son rôle d’amortisseur en toute sécurité.
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Lors de la course, une mauvaise posture du bassin expose à des déséquilibres qui, à court ou long terme, provoqueront des troubles (lombalgie, hernie discale, sciatique, torticolis…). Souplesse et renforcement des muscles abdominaux, dorsaux (profonds, intravéterbraux) et fessiers, contribuent au maintien d’une bonne posture.
Positionner les épaules
* Enrouler les épaules au maximum en avant et en arrière, puis les placer au centre afin de relâcher la poitrine et ramener les omoplates vers la colonne vertébrale. Ressentir la chute décontractante des épaules, c’est préserver la cyphose dorsale sans l’accentuer et disposer ainsi de la plus grande mobilité des membres supérieurs.
Placement de la tête.
* En inspirant, placer sans excès la tête vers l’arrière, et vers l’avant en expirant. Pour cet exercice, dégager le cou sans forcer le mouvement. Faire à nouveau appel à l’imagination en visualisant, au centre de la tête, un récipient rempli d’eau. À nouveau, éviter que l’eau ne se renverse. Ainsi placé, le regard est porté à l’horizontal autorisant une vision large pour permettre d’anticiper tout obstacle ou autre difficulté.
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Visualiser un fil au sommet du crâne qu’une main tirerait vers le haut. Cela permet de se redresser naturellement pour conserver la bonne posture.
Dans un premier temps, réaliser les exercices en statique, puis au cours des entraînements, réajuster si c’est nécessaire le positionnement de la colonne vertébrale. Se tenir correctement est une affaire de tous les instants.
Le mouvement des bras
Fléchir les bras sans contracter les biceps et s’appliquer à ce que leur trajet s’effectue sans hausser les épaules. S’appliquer à toujours avoir les poignets souples et les mains détendues. Le mouvement doit s’effectuer dans l’axe de la course. Toute action transversale est freinatrice.
Isaac Newton : premier technicien de la foulée
Au XVIIe siècle, lorsqu’il établit sa 3e loi, celle des actions réciproques ou de l’action – réaction, Isaac Newton file un coup de main inestimable à tous les futurs entraîneurs : à toute action est opposée une réaction égale. En partant de ce principe, le marathonien, comme tout autre coureur, se doit d’attaquer le sol de l’avant vers l’arrière afin que la force restituée le propulse vers l’avant (principe du griffé).
Celui qui déclamait : « Ne prenez pour certain que ce qui est démontré, » a prouvé au préalable que le point d’application des forces doit être dirigé le plus possible au niveau des masses. Si l’on considère que la répartition du poids du corps est concentrée principalement au bassin, c’est à ce niveau que devra passer la résultante des forces. Pour exploiter au maximum toutes les quantités d’énergie, la résultante doit s’exercer le plus près possible de son centre de gravité. D’où la nécessité de courir en cycle avant pour venir poser son pied légèrement devant l’aplomb du bassin.
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L’enseignement Newtonien (le sol vous renvoie une force égale à celle que vous lui envoyez, mais de manière opposée) explique toute une série de conséquences du contact du pied avec le sol. Selon la logique action – réaction, une attaque du pied de l’arrière vers l’avant entraîne une force freinatrice. Une action amenée du haut vers le bas aura pour résultat une course bondissante (course en piston). La technique convenable impose une approche du sol menée de l’avant vers l’arrière afin de bénéficier de la force propulsive.
Les fondamentaux montées de genoux (cycle avant), talons – fesses (cycle arrière), rabat jambes – tendues (attaque du sol de l’avant vers l’arrière), sont autant d’exercices qui font prendre conscience du cycle de jambes et l’attaque du sol. Toutefois, durant la réalisation de ceux-ci, posez le pied en plante, proche de l’aplomb du bassin sans oublier le récipient d’eau imaginé au niveau du celui-ci.
La pose du pied
Trois principes de contact au sol :
Contact par l’arrière du pied (talon) : Le talon étant une zone dépourvue d’amorti, cette technique nécessite des chaussures aux semelles fortement pourvues en matériaux d’absorption sinon la répétition de chocs sera extrêmement préjudiciable à la santé du coureur (tendinites, mal de dos, fractures…) Se pratique chez les marathoniens et autres coureurs d’ultra sous réserve des éléments énoncés plus avant et de la longueur du temps d’appui nuisible à la vitesse d’exécution.
Contact par l’avant du pied (plante de pied) :
Cette approche offre l’avantage d’un pied qui restera peu de temps au sol mais se traduira rapidement par des contractures aux mollets. Difficile à tenir sur marathon.
Contact milieu du pied (pied à plat) : De cette façon les chocs et les blessures qu’ils peuvent engendrer sont réduits au minimum. Relever les orteils lors du contact rendra plus efficace la plante du pied. Au niveau du ressenti, de l’appui à l’impulsion, cela s’apparente à une caresse podale du sol traduite par une sensation de recul du pied dans la chaussure.
Une foulée peu perceptible à l’oreille sera plus efficace et moins traumatisante…
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Pour qu’un pied soit réactif, varier les surfaces et les dénivelés de vos sorties d’entraînements. Afin que la poussée des pieds gauche et droit soient similaires, vérifiez-la régulièrement. Pour cela, se rendre sur une grande surface plane et dépourvue d’obstacle (terrain de football, pelouse…). Se mettre dos à un repère (poteau de but, vêtement, plot…) puis courir de 10 à 15 secondes les yeux fermés. À la fin de cette course en aveugle se retourner pour vérifier s’il y a une déviance de la trajectoire synonyme d’une poussée supérieure. Recommencer l’expérience en tentant à chaque fois de corriger sa poussée pour obtenir la course la plus rectiligne possible.
En bref
Pour une foulée efficace et peu traumatisante : une tête tirée vers le haut par le fil d’un marionnettiste géant ; des épaules basses ; des poignets souples ; un bassin en position neutre ; une course développée en cycle avant et permettant au pied de se poser à plat légèrement en avant de l’aplomb du bassin ; le tout avançant grâce à des forces identiques se développant en silence.
À défaut de faire de son propriétaire un champion du monde, une foulée ainsi pourvue lui autorisera de rester lui-même et sans trop de dommage d’approfondir la citation de JRR Tolkien : « Tu vas sur la route et si tu n’arrêtes pas tes pieds, dieu seul sait jusqu’où tu pourras aller ».
Texte : Michel Milcent.
Photos : Thierry Sourbier.
Cet article est paru dans les pages conseils du numéro 236 de VO2 Run. Retrouvez également le numéro 243 de VO2 Run, actuellement en kiosque et disponible ici.

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