Avant de débuter l'entraînement, évaluez-vous !

Partager
Poste Le 21 septembre 2015 par adminVO2

S’entraîner, c’est traiter l’écart entre les qualités physiques, techniques et mentales de l’athlète, et celles requises par ses objectifs. Avant de démarrer un programme pour préparer une course sur route, il est indispensable de faire le point sur vos qualités physiques et sur vos motivations.
Programmer son GPS
Pour définir son itinéraire, on renseigne la destination mais aussi le point de départ. Sans cette dernière information, l’ordinateur ne peut rien calculer. Il en va de même pour l’athlète.  Pourquoi évaluer l’athlète ? Selon Mac Dougall et Wenger (1988), un programme d’évaluation efficace est bénéfique à l’athlète et à l’entraîneur pour les raisons suivantes :
– Identifier les forces et les faiblesses de l’athlète au regard des exigences de sa discipline, afin de définir un entraînement individualisé.
– Fournir un feed-back pour mesurer l’efficacité du programme d’entraînement au cours de la saison.
– Informer sur l’état de forme de l’athlète et prévenir du surentraînement.
– Permettre à l’athlète de mieux se connaître et de mieux comprendre les finalités de son activité.
Pour évaluer, il faut que le test soit efficace en évaluant des données physiologiques (ou psychologiques) pertinentes pour le sport pratiqué. Il faut donc que le test soit valide, reproductible, spécifique, sensible, accessible et non redondant. Il doit aussi être réalisé dans des conditions contrôlables. Nous ne rentrerons pas dans le détail mais nous proposerons ici des tests qui remplissent tous ces critères.
Ces tests peuvent se dérouler en laboratoire et/ou sur le terrain. D’un point de vue bioénergétique, la course sur route, quelle que soit la distance (10 à 100 km), est une discipline aérobie (le dioxygène est le comburant des dégradations lipidiques et glucidiques). Les paramètres de la performance aérobie sont bien connus (voir figure 1) et sont au nombre de 4 : le fameux VO2max ou consommation maximale d’oxygène, l’endurance (fraction de VO2max), le coût énergétique et la cinétique de VO2. Selon votre discipline, ces facteurs sont proportionnellement plus ou moins importants. Plus la distance s’allonge et plus l’endurance et le coût énergétique prennent de l’importance par rapport à la puissance (VO2max) et à la cinétique de VO2. Expliquons un peu ces notions et voyons comment les évaluer !
Evaluez 1Le VO2max ou consommation maximale d’oxygène se mesure de manière directe (en laboratoire ou sur terrain avec analyseur portatif des échanges gazeux) ou de manière indirecte également en laboratoire ou sur le terrain. On se base alors sur la relation VO2-puissance (ou VO2-vitesse) à partir d’un exercice maximal, ou sur la relation FC-VO2 (ou VO2-puissance) d’un exercice sous-maximal.
Nous conseillons un test d’effort en laboratoire qui permettra également de faire le point grâce à un électro-cardiogramme de repos et d’effort (idéal sur le vélo). Un protocole bien mené permet de déterminer outre le VO2max, le Quotient Respiratoire (rapport entre le rejet de CO2 et la consommation d’oxygène), les capacités anaérobie et aérobie, les seuils ventilatoires, la Fréquence Cardiaque maximale, et une Vitesse Maximale Aérobie si le protocole est réalisé à plat. Disons le tout de suite : il ne sert à rien d’évaluer une VMA de tapis quand il est si simple de l’évaluer sur le terrain.
Ce VO2max, déterminé génétiquement à 50%, correspond à la puissance de votre moteur. C’est donc une qualité à optimiser, quelle que soit votre discipline. Pourtant, sur le terrain, le VO2 max est un indice inutilisable, on lui préfère la Vitesse Maximale Aérobie, c’est-à-dire la vitesse de l’athlète lorsqu’il atteint sa consommation maximale d’oxygène. La VMA exprime la puissance de la filière aérobie. C’est une valeur qu’il faut connaître car les séances d’entraînements sur piste et sur route s’expriment couramment en pourcentages de cette VMA. La VMA est statistiquement corrélée au VO2 max par la formule VO2max = VMA x 3.5, mais encore une fois, si on veut individualiser, on n’utilise aucune formule !
Photo-1
Pour la VMA, les tests de terrain ne manquent pas. 2 cas : vous êtes en club et vous pouvez suivre un protocole triangulaire (= par paliers) (Leger-Boucher ou VAMEVAL ou test navette de Léger) ; ou vous êtes seul et vous allez opter pour un test dit rectangulaire (= à vitesse constante) du type test de Berthon ou ½ Cooper.
Les protocoles triangulaires se caractérisent par une augmentation progressive de la charge ou de la vitesse selon des paliers de 1 à 4mn, et jusqu’à épuisement du sujet. Parmi ceux-ci, le test de Léger-Boucher, 1981, est le plus utilisé.
Test de Léger-Boucher :
Matériel : plots tous les 50m et protocole sonore (sur mp3) ou avec sifflet de l’entraîneur.
vitesse de départ à 8km/h, augmentation de 0.5 km/h toutes les minutes.
VMA = dernier palier effectué
Test de Berthon :
Courir la plus grande distance en 5mn
VMA = distance x 12
Ou ½ Cooper, courir la plus grande distance en 6mn, et VMA = d x 10.
Ces deux derniers tests nécessitent de bien se connaître pour être le plus régulier possible sur la durée donnée. Le calcul est ensuite très facile : si on parcourt la distance de 1450m sur 6mn, sa VMA est de 1.450 x 10 = 14.5 km/h. Il faut savoir que la VMA est parfois sous-estimée sur un test rectangulaire car celui-ci nécessite une allure régulière.
Quoiqu’il en soit, cette donnée, la VMA, ne suffit pas à établir avec précision les séances d’entraînement, et cela pour 2 raisons essentielles : à VMA égales, par exemple 15 km/h, 2 athlètes peuvent avoir des temps de soutien différents : 4mn pour l’un et 7mn pour l’autre, ce qui modifie complètement leur potentiel sur une séance ou une compétition donnée.
Ces athlètes peuvent aussi avoir des vitesses maximales différentes. Si l’un vient du football et à une vitesse maximale de 30 km/h (= 12s/10m) et l’autre du raid avec une vitesse maximale de 25 km/h (14’’4/100m), leurs potentiels sur de la VMA courte seront bien différents. La différence entre la vitesse maximale et la VMA est appelée réserve de vitesse anaérobie, et c’est un paramètre qu’il faut prendre en compte si l’on prétend personnaliser son entraînement.
En conclusion, il ne faut plus parler simplement de VMA mais du triptyque VMA – temps limite à VMA – réserve de vitesse Anaérobie.
Pour le temps limite, on s’échauffe 20 minutes à 60% VMA puis on tient le plus longtemps possible à cette vitesse. Ce temps peut varier selon les athlètes de 4 à 11mn.
Pour développer la puissance maximale aérobie, Véronique Billat (Billat et al, 1996) a proposé une séance type : 20 mn d’échauffement à 60% VMA suivi de 5 répétitions de ½ temps limite à 100% VMA, séparées par des récupérations de ½ temps limite à 60% VMA.

OphŽlie Claude-Boxberger, fille de Jacky l'hŽritier dŽsignŽ de Michel Jazy, s'est fait un prŽnom en devenant cet hiver championne de France sur 1 500 m en salle.
OphŽlie Claude-Boxberger, fille de Jacky l’hŽritier dŽsignŽ de Michel Jazy, s’est fait un prŽnom en devenant cet hiver championne de France sur 1 500 m en salle.
Par exemple, l’athlète dont la VMA est de 14.5 km/h et le temps limite de 6mn, doit répéter 5 x 3mn à 14.5 km/h avec 3mn récupération à 9 km/h.
Comme nous l’avons déjà dit, toutes les séances à plat peuvent se programmer en pourcentage de la VMA. Statistiquement, on court en endurance fondamentale entre 60 et 70% de la VMA ; en endurance active de 70 à 80% de la VMA ; autour du seuil anaérobie entre 80 et 90% de la VMA, et à VMA entre 90 et 110% de la VMA. Les coureurs sur piste peuvent travailler de 120 à 140% de la VMA mais sur des durées courtes et avec des récupérations plus longues. Mais là, ce sont les puissance et capacité lactiques qui sont sollicitées et non la puissance aérobie.
L’endurance se définit vulgairement comme la capacité à tenir un effort sur une durée dépassant le temps limite. Concrètement, c’est la fraction de VO2max ou de VMA que l’athlète peut tenir sur une durée ou une distance donnée. Au-delà du semi-marathon, on constate que la corrélation entre la performance et la VMA est moins forte. C’est parfois en raison d’un index d’endurance trop faible, mais pas seulement : le coût énergétique, la technique, la stiffness (« raideur neuro-musculaire ») et les qualités mentales sont également déterminants. Pour comparer l’endurance de 2 athlètes, on regarde la décroissance de leur vitesse en fonction de la durée. Elle est rapide de 6 à 30mn, puis elle est plus lente et linéaire de 30mn à l’infini. Péronnet et Thibault (1987) ont formalisé le concept en définissant un index d’endurance.
Index Endurance = (100-% VO2max)/ln7 – lnt  (t en mn, avec le % de VO2max (ou VMA) tenu sur la durée t)
Un IE > 8 témoigne d’une endurance médiocre, un IE < 5 est bon.
L’endurance ou fraction de VO2max est également tributaire des seuils. Le plus important est le seuil anaérobie (Wasserman, 1973), intensité au-delà de laquelle le métabolisme anaérobie intervient dans le renouvellement de l’ATP. La production d’acide lactique devient donc plus importante que son élimination, ce qui conduit peu à peu à l’acidose musculaire. Plus ce seuil est élevé en pourcentage de la VMA, meilleur c’est. Statistiquement, il se situe autour des 85% de la VMA. En laboratoire, on le détermine à partir de la prise des lactates sanguins.
Le schéma suivant de la dépense énergétique en fonction de l’intensité de l’effort résume les fondements bioénergétiques de la performance aérobie.
Evaluez 2Pour poursuivre sur les paramètres évaluables de la performance aérobie, disons quelques mots du coût énergétique de la foulée. Celui se calcule uniquement en laboratoire (ou sur terrain avec appareil portatif). C’est la consommation d’oxygène par unité de distance. Plus ce coût est faible, plus l’athlète est économe. A VO2max égales, l’athlète avec le coût le plus faible sera le plus performant. On calcule le coût énergétique à vitesse inférieure au seuil anaérobie, autour des 70% de la VMA.
Les facteurs influençant le coût énergétique sont nombreux : le poids, la taille, la répartition des masses par rapport au centre de gravité, le type de foulée et d’appui, la longueur des segments, les angles articulaires, le gainage, la stiffness … Améliorer la valeur d’un coût énergétique est donc un long travail, difficile mais pas impossible comme le prouve le passage de 205ml à 175ml de Paula Radcliffe en 11 ans (Jones, 1998. A five year physiological case study of an Olympic runner. BRJ Sports Med)
La cinétique de VO2 qui témoigne de la rapidité de la fourniture de l’énergie par le système aérobie, est un indice méconnu et trop souvent négligé. Plus la vitesse de fourniture augmente, moins la réponse à l’exercice est coûteuse. Mais là encore, c’est le laboratoire qui va nous permettre d’évaluer cet indice, et notamment si l’on utilise un protocole avec temps limite. Cette valeur peut être précieuse à l’entraînement pour affiner la programmation et paramétrer avec plus de pertinence les séances de VMA en termes de répétitions, durées, intensités et récupérations. Une faible cinétique impose un temps de fraction plus long et une récupération courue à intensité au moins égale à 60% VO2max (ou VMA).
Evaluez 3Toutefois, sans mesure de l’oxygène, il est possible d’évaluer cet indice en se basant sur la corrélation fréquences cardiaques – consommation d’oxygène. En réalisant un test de temps limite avec enregistrement des fréquences cardiaques, la cinétique apparaît clairement.
 
Evaluez 4
Evaluez 5A partir de la connaissance de ces 4 paramètres, l’entraîneur ou l’athlète peut définir des objectifs chronométriques et établir la programmation qui permettra de les atteindre. Chaque séance pourra s’exprimer en pourcentages de VMA et prendre en compte les données d’endurance et de cinétique. De plus, rappelons que l’entraînement aura pour but de développer les points faibles tout en maintenant les qualités acquises.
La performance ne dépendant pas que des qualités physiques, il est utile de faire le point sur ses habiletés mentales qui sont nombreuses. La gestion du stress, la concentration, l’activation émotionnelle, la motivation … sont autant de facteurs de performance qu’il ne faut pas négliger. Trop d’athlètes manquent leur rendez-vous car leurs ressources psychologiques ne sont pas en adéquation avec la demande de l’épreuve.
Certains coureurs redoutent la confrontation, d’autres la souffrance physique, mais il n’y a pas de fatalité et il est toujours possible de faire sauter un verrou mental. Des tests sont disponibles mais ils sont souvent réservés aux professionnels. Pour vous évaluer, rapprochez-vous d’un préparateur mental diplômé ou d’un psychologue du sport. De même, analysez votre approche mentale des entraînements de la compétition (motivation ou non, stress, concentration …). Une fois le radar de vos habiletés mentales établi (fig 6), on élabore des stratégies et des programmes pour améliorer les points faibles.
Evaluez 5Enfin, si le mental est un catalyseur important, ne négligeons pas non plus la nutrition qui peut rapidement devenir un facteur limitant, donc facilitant quand il est optimisé. Un fonctionnement optimal de la mitochondrie (la petite usine au sein de nos muscles qui dégrade les composés énergétiques en présence d’oxygène) influe directement sur le VO2max par une augmentation de 3 à 5 %. Bien se nourrir, c’est fournir les bons carburants à son organisme. Si vous êtes sujet aux troubles digestifs à l’effort, n’hésitez pas à consulter un spécialiste en nutrition et micro-nutrition en mesure d’évaluer vos difficultés et d’y remédier. Comme pour les qualités physiques ou mentales, la disparition des troubles digestifs demande du temps et l’élaboration de protocoles individualisés.
Toutes ces évaluations peuvent se faire à l’aube d’une nouvelle saison mais également en fin de cycle de développement afin de mesurer les progrès et partir sur de nouvelles bases. Elles s’adressent à tous les athlètes désireux de progresser, quel que soit leur niveau de départ. Elles peuvent se faire en autonomie pour la plupart mais il est conseillé de se rapprocher de clubs ou d’entraîneurs afin de mieux vous guider.
Texte : Pascal Balducci
Photo de Une : Franck Oddoux et Yves-Marié Quémener
Cet article est paru dans les pages conseils numéro 243 de VO2 Run, actuellement en kiosque et disponible ici.

X