Athlétisme

Jean Blancheteau, symbole d’une marche dynamique chez les jeunes  

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Poste Le 25 mai 2015 par adminVO2

Jean Blancheteau a pris la deuxième place du 10 km marche junior de la coupe d’Europe de la spécialité à Murcie (Espagne) le 17 mai, abaissant le record de France de la catégorie (41’11’’) et entraînant dans son sillage ses jeunes coéquipiers. Des performances qui mettent en exergue la dynamique actuelle chez les jeunes marcheurs tricolores.
Yohann Diniz, depuis son premier titre européen sur le 50 km en 2006, a permis de démocratiser auprès du grand public hexagonal la marche athlétique, discipline jusqu’alors sous-médiatisée, affublée par certains d’une image dévalorisante – d’aucuns raillant ces athlètes dont ils ne comprenaient pas l’oscillante (dé)marche – et reléguée quelque peu en marge des autres épreuves, ses contempteurs ne s’y intéressant contraints et forcés qu’au moment des Interclubs (« mais qui va donc se coltiner la marche pour boucher le “trou“ ? »). Pourtant, la marche mérite d’être valorisée à sa juste mesure.
Il serait un brin péremptoire d’affirmer que la nouvelle génération de marcheurs sourd dans les seuls pas des performances du Rémois. Mais Yohann Diniz les a inspirés, a minima.
La génération montante a le pied ferme, marche le regard lancé vers l’horizon, et ne risque pas l’avertissement pour une absence de contact au sol. En atteste la progression d’Emilie Menuet, qui va mettre fin à un long temps suspendu, où aucune marcheuse tricolore n’avait pris part à un rendez-vous international (lire ici).

Premier pôle jeune à Nancy

Et chez les juniors, notamment masculins, la dynamique s’amorce, incarnée par Jean Blancheteau. Lors de la coupe d’Europe à Murcie dimanche 17 mai, le natif du Creusot (Saône-et-Loire) a battu le record de France junior du 10 km, prenant également une excellente deuxième place, en 41’11’’.
« J’étais 9e sur la start list, donc je ne partais pas du tout avec le podium en tête. Je revenais de blessure, je suis aussi tombé aussi malade au stage à Aix-les-Bains : ces derniers temps, ce n’était onc pas top top à l’entraînement, même si c’était correct. C’est bizarre mais je ne partais pas motivé. Mais ça s’est bien passé. J’ai eu l’impression d’observer, de toujours regarder ce qu’il se passait, sans m’occuper de moi. J’ai suivi. Je me suis accroché et ça a tenu » narre t-il posément.

Le podium (Photo André Casale)
Le podium du 10 km junior (Photo André Casale)
« J’espérais battre ce record, qui a été établi par Anthony Gillet il y a une vingtaine d’années (41’33’’ en 1995, ndlr) et qui a ensuite fait les JO (à Sydney en 2000, 33e du 20 km, ndlr). Donc ça me motive pour la suite ».
Jean Blancheteau s’est initié à la marche chez les benjamins, dans son club de l’Athlé Bourgogne Sud. « Ça m’a tout de suite plu car c’est un effort qui est assez rythmé mais aussi très long. Par exemple, le 50 km marche est aux JO l’une des épreuves les plus longues. Le côté endurance et l’effort spécifique que ça représente, ça m’a tout de suite plu ».

« Le ménage se fait tout seul dans la chambre »

Voilà comment le virus de la marche s’est inoculé en lui. Il progresse d’abord sous la houlette de Lionel Pernette, puis Eddy Riva le prend en charge l’an dernier –à distance dans premier temps. Avant d’intégrer à la rentrée en septembre dernier le premier pôle de marche à Nancy (1), drivé par ce même Eddy Riva, ex international (record à 3h51’34’’ sur le 50 km ; notamment 11e des Mondiaux 2003 à Paris et 13e à Osaka en 2007).
« J’ai doublé mon entraînement : je suis passé de 3-4 par semaine à 6-7. Ça se passe très bien. On est un groupe, alors qu’on s’entraînait souvent tout seul. On se motive pas mal, même si on n’est pas du même niveau. Et il y a beaucoup de moyens de récupération : on a un kiné à disposition, des bains chauds et froids, le sauna, le stade juste à côté alors que le ménage dans la chambre se fait tout seul » sourit l’affable marcheur de 19 ans.
« Le but, c’est de regrouper les gens pour créer une émulation -on n’est plus forts à plusieurs que tout seul dans son coin-, et c’est surtout de permettre d’augmenter la charge d’entraînement beaucoup plus tôt que ce que l’on fait actuellement en restant à la maison » explique Pascal Chirat, le manager de la marche à la FFA, qui loue la performance de Jean Blancheteau.
Pascal Chirat : « son mental nous a plu » 

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Axel Mutter – Photo André Casale
« Au-delà de la qualité de son chrono, ce qui nous a surtout plus c’est la qualité de son mental. Il a vraiment assumé, il a mené un peu en début de course mais pas de manière folle. Il a ensuite eu un moment dur où il s’est retrouvé en 6e position. Il s’est remobilisé dans la course pour terminer 2e. C’est vachement intéressant car ça veut dire qu’il a assumé son rôle et ce que l’on attendait de lui. Et après, ça crée une dynamique, comme ce que l’on voit souvent quand il y a des équipes ».
Dans son sillage, Thibault Hypolite (également au pôle à Nancy) et Axel Mutter (à Lyon dans une structure régionale) ont en effet réalisé les minima pour les Europe juniors (le premier les avait déjà effectués aux France à Arles).
« On a fait la meilleure perf française junior en coupe d’Europe. Avant, je crois que c’était Kévin Campion en 2007 (effectivement : 10e en 43’10’’, ndlr). Thibault est junior 1 et je pense qu’il est plus costaud que moi » sourit Jean Blancheteau. Jusqu’à titiller son tout récent record de France, perfectible selon l’intéressé, l’année prochaine ? « Oui je pense qu’il l’aura ».

« Ce sont des jeunes qui semblent avoir de la trogne »

Le septuple champion de France (2) semble très au fait de son sport. « Je me documente beaucoup sur tout ce qui est demi-fond et marche, depuis que je suis en 6e-5e. Je farfouille les archives dans tous les sens. Ma grande référence c’est Robert Korzeniowski (quadruple champion olympique et triple champion du Monde, ndlr) » glisse l’étudiant en classe prépa intégrée. Un cursus effectué en trois années au lieu de deux, ce qui lui permet de s’entraîner dans les meilleures conditions, et de se concentrer sur la marche à haut niveau les années qui viennent, comme il le souligne lui-même.
Ces conditions d’entraînements sont une marche notoire enjambée dans l’escalier qui mène aux podiums internationaux, dans une discipline où concilier sport de haut niveau et vie professionnelle/étudiante relevait jusqu’ici de la gageure (à l’instar d’Emilie Menuet, Emilie Tissot, de Kévin Campion ou d’Antonin Boyez, par exemple).
« Thibault Hypolite a pulvérisé son record en allant chercher un Allemand pour le classement par équipes. Axel Mutter avait le double objectif d’être le 3e homme en cas de défaillance (le classement par équipes était établi en prenant en compte les deux premiers de chaque nation, ndlr), et visait la qualif aux Europe. Ce sont des choses qui ne sont pas faciles à assumer, et ça l’a transcendé » se réjouit Pascal Chirat.

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Jean Blancheteau en plein effort à Murcie – Photo André Casale
 
« Ce sont des jeunes que l’on attendait un peu et qui semblent avoir de la trogne. C’est une bonne base de départ pour la suite. Ce n’est pas gagné mais il y a ce qu’il faut pour commencer à aller un peu vers le haut niveau. Ce sont des jeunes passionnés par la marche, qui ont placé la marche en haut de la hiérarchie des choses importantes de leur vie, voire en tête de leurs préoccupations.  C’est un bon indice pour faire carrière, car il faut le talent et le travail. Ils sont visiblement prêts à faire les choses ».
Objectif championnats d’Europe
Jean Blancheteau ne s’enthousiasme pas outre-mesure après ce record, en vue des championnats d’Europe juniors (16-19 juillet en Suède). « Pour moi, la coupe d’Europe reste un gros coup de bol : j’ai eu les bonnes conditions et ça s’est bien passé. Ça va être dur mais j’espère faire minimum une place de finaliste aux Europe. Un podium ? Oui, c’est possible mais ça reste assez aléatoire » glisse le 14e des Mondiaux juniors de Eugene l’an passé.
Départ du 10 km marche junior (Photo André Casale)
Départ du 10 km marche junior (Photo André Casale)
« J’ai retenu l’ambiance : c’était vraiment sympa avec les médailles de Rouguy Diallo, Wilhem Belocian et Axel Chapelle. Ce qui m’a le plus marqué, c’était la chambre d’appel, le fait d’attendre une heure dedans. J’ai appris à gérer ça et j’espère que ça me servir pour les Europe cet été » relève Jean Blancheteau, « très pressé de faire du 50 km. Il y a un grand débat avec mon entraîneur car il ne veut pas trop pour l’instant » se marre t-il. « L’effort est complètement différent. Ce n’est pas du tout les mêmes sensations de fatigue. Et les côtés gestion de course, gestion du ravitaillement me plaisent beaucoup. Il y a beaucoup plus de paramètres à gérer sur que sur un 10 bornes ».
La marche athlétique française tient là une prometteuse génération, talentueuse, passionnée et humble. L’avenir est tracé…
(1) Les juniors Jean Blancheteau, Thibault Hypolite, Cécile Deleuze (et Axelle Ham l’année prochaine) les cadettes Marie Laville et Eloise Terrec sont internes au pôle à Nancy.
(2) Chez les cadets, et les juniors, salle et plein air confondus.
Photo de une : Jean Blancheteau, Thibault Hypolite et Axel Mutter sur le podium, deuxième par équipes à Murcie. Merci à André Casale (entraîneur de Violaine Averous) pour les photos.

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