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Stéphane Charnet, l’ingénieur produit qui s’est entraîné au Kenya pendant un mois

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Poste Le 13 novembre 2014 par adminVO2

Ingénieur produit chez Kalenji depuis six ans et demi, Stéphane Charnet est aussi un solide coureur (14’39’’81 sur 5 00 m, 30’39’’ sur 10 km). Le sociétaire du Dijon Uc s’est entraîné durant un mois à Iten au Kenya (du 28 septembre au 25 octobre), ramenant pléthores d’anecdotes, alors qu’il espère bénéficier des effets de cet entraînement en altitude pour abaisser son record personnel sur 10 km à la fin du mois.

Un stage planifié

Cela faisait « deux, trois ans » que Stéphane Charnet (à ne pas confondre avec Sébastien Charnay, aux références similaires sur 10 km) songeait à partir au Kenya. « Mais je ne voulais pas y aller et me pointer la fleur au fusil, en me rendant compte qu’au final, je ne supportais pas l’altitude ». Ces dernières années, il a donc testé deux semaines durant Font-Romeu (Pyrénées-Orientales), puis deux semaines Ifrane au Maroc. « Ça s’est construit sur plusieurs années » résume t-il. « Mais deux semaines, c’était trop court et je n’avais ressenti de supers effets en redescendant. Ou alors peut-être que j’idéalise l’altitude ». L’ingénieur produit, basé à Villeneuve d’Asq près de Lilles, a pu se libérer un mois pour allier le Kenya le 28 septembre, rédigeant un carnet de bord jour par jour ( son récit est à lire ici). « Pour l’entraînement, j’avais une trame à suivre, mais c’était souple » relève celui qui est coaché à distance par Khafid Badoui, et qui était logé au centre Lornah Kiplagat à Iten. « Dès que j’avais l’opportunité de m’intégrer sur une séance piste ou un fartlek avec des Kényans, je le faisais. L’expérience, vivre le truc, était presque plus important que l’entraînement ».

« Tu suffoques, c’est impressionnant »

La première semaine était tranquille, afin de s’acclimater (Iten se situe à 2 400 m d’altitude). « On m’avait mis en garde sur le fait de ne pas forcer la première semaine. J’étais à 11 à l’heure, et encore…En fait, tu es bien pendant 20’, et après, tu suffoques. C’est impressionnant. Tu as l’impression d’être angoissé en permanence, tu sens vachement le manque d’air » explique Stéphane Charnet, marqué par plusieurs choses. « Ce que je retiens le plus, c’est la toute première séance piste où ils m’ont accepté. Ça s’est fait de façon naturelle et j’ai été très surpris car j’avais des a priori. Je les croyais fermés. Ce qui m’a également étonné, ce sont les conditions d’entraînement assez compliquées. Il y a un dénivelé de malade là-bas. Il n’y a rien qui est plat. Et dès qu’il pleut, c’est impraticable ».

A l’arrivée à Iten (Photo S.C)

Si beaucoup parlent l’anglais, l’une des langues officielles –« ils ont un accent particulier mais finalement le nôtre n’est pas meilleur, le mien en l’occurrence » rit-il, « mais comme je travaille avec des étrangers en permanence, je parle anglais tous les jours au boulot »-, les quelques mots de swahili échangés ici et là lui ont permis de « casser les barrières lors des premiers contacts ».

Le dopage, « un sujet un peu tabou »

Sauf en ce qui concerne le dopage…Comment sont perçus les étrangers depuis  les révélations du journaliste allemand de l’ARD sur l’insigne facilité pour se procurer des produits ? « C’est une bonne question. Je pense qu’ils voient vite à qui ils ont à faire. Un touriste seul qui vient s’entraîner, je pense qu’ils ne se méfient pas. J’étais ébahi en permanence, j’étais comme un gosse donc je n’ai pas eu de problème. Le dopage, c’est un sujet un peu tabou, ça les agace même d’en parler : quand ils parlent de dopage, ils disent qu’ils sont plus forts car ils s’entraînent plus durs que nous. Il y a une omerta là-dessus. J’ai essayé d’aborder deux, trois fois le sujet avec un Kényan, Timo, qui a été plein de fois en Europe. Mais c’était un sujet délicat pour lui et je n’ai pas insisté » explique le diplômé de l’ENSAM (Ecole nationale supérieure des arts et métiers).

Dennis Kimetto accueilli en vrai héros

Nonobstant cette déroutante explosion des chronos sur marathon, le nouveau recordman du Monde de la distance Dennis Kimetto ( et son stratosphérique 2h02’57’’ à Berlin à la fin septembre…) a été accueilli comme un vrai héros à Iten. « Je me promenais dans la ville et des voitures passaient avec des hauts parleurs sur les toits, annonçant la venue de Kimetto en hélicoptère. On s’est précipités sur le lieu où ils arrivaient. Il y a avait un comité de réception sur un grand terrain de foot, avec des danses traditionnelles etc…Il y avait peut-être 500 personnes. Kimetto est arrivé en hélicoptère. Une fois qu’il est sorti, il y a eu un mouvement de foule hallucinant. Il y avait tellement de monde autour que l’armée était obligé de mettre des coups de bâtons pour qu’il puisse se frayer un chemin dans la foule (voir la vidéo ci-dessous). J’ai dû en prendre deux ou trois d’ailleurs ! » sourit Stéphane Charnet, alors que Geoffrey Mutai, vainqueur à Berlin en 2012 (2h04’15’’) et deux fois à New York était présent mais « totalement inconnu. Il n’y en avait que pour Kimetto, c’était hallucinant ».

Un des aficionados de Dennis Kimetto (Photo S.C)

10e…en partant de la fin sur un cross à Eldoret

Le 18 octobre, Stéphane Charnet avait prévu un fartlek (séance avec variation d’allure). Parti le matin pour assister à un cross organisé par l’université d’Eldoret –à 25’ en voiture d’Iten-, il s’est finalement retrouvé… avec un dossard sur la ligne de départ dans la course junior (8 km). « C’était ultra impressionnant. Je n’ai jamais fait une course comme ça. Je ne sais pas si en France il y a une course qui est plus relevée que celle là, alors que c’était une course lambda. Je suis très content de l’avoir faite. Je me serais dit que je valais 100e sur 200. Alors que j’ai fait 10e en partant de la fin. C’est une claque, mais qui est positive. Ce sont vraiment des monstres. J’étais en chaussures lourdes, pas en pointes, je ne l’ai pas fait complètement à bloc, mais bon, j’aurai gagné trois places si je l’avais fait à fond » sourit-il.

Depart du cross d’Eldoret 18 10 2014 par stef-missa

Chaussures dernier cri… ou tongs

L’ingénieur produit chez Kalenji depuis 2008 –il conçoit toute la chaussure, de la phase de conception avec le choix de l’architecture de la chaussure jusqu’à la phase de test en passant le prototypage- s’est forcément intéressé à la manière dont sont équipés les Kéyans. « Il y a un peu de tout. Comme si une destination qui est prisée, il y a beaucoup de monde qui ramènent des produits. Alors que tous les Kényans qui ont des contrats élite et qui vendent leurs chaussures. Ainsi, des mecs très doués ont le dernier cri, alors que d’autres ont des chaussures…ce sont des tongs, il n’y a plus de caoutchouc et des trous hallucinants. Il y a vraiment de tout, c’est ça qui est impressionnant. Nous, on aime choisir nos chaussures pour telle raison, etc… eux s’en fichent ».

 

Voici avec quoi s’entraînent certains athlètes kényans… (Photo S.C)

Les effets de l’altitude ?

« Comme tu es à l’étranger, tu déconnectes complètement. C’est là où j’ai vu la valeur ajoutée de la relaxation. Je ne pensais qu’à m’entraîner et à dormir. A Font Romeu, tu gères encore un peu tes petits problèmes, tu passes des coups de fil. Là-bas, j’ai vécu comme un sportif de haut niveau que je ne suis pas. C’est une découverte » confie Stéphane Charnet, qui s’entraîne en temps normal six fois par semaine. Huit jours après sa redescente d’Iten, il s’est aligné à Taulé-Morlaix, réalisant 30’59’’ sur un parcours très (trop) favorable. « Pour l’instant, ce que j’ai lu se vérifie. Il y a deux, trois jours de forme où j’avais une certaine facilité de respiration, puis un coup de mou de deux semaines. A Taulé, j’étais mou, j’avais l’impression de devoir me mettre des coups de pied. Là, j’espère que la forme va monter ». Il s’alignera à Vénissieux le 23 novembre prochain avec l’objectif de faire tomber son record personnel (30’39 »). « Je pense que j’ai un peu surévalué les effets de l’altitude. Je pensais qu’un mois au Kenya, ça pourrait me faire gagner 40 secondes voire une minute aux 10 bornes. Je me dis que si je fais autour 30’30’’, ça sera déjà très bien ».L’expérience humaine vécue, elle, ne peut se matérialiser en termes de chrono…

Kimetto à Iten par stef-missa

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