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"J'ai couru le marathon de Pyongyang"

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Poste Le 3 mai 2018 par adminVO2

« Pour l’année de mes 50 ans , je voulais un peu de piment. J’ai d’abord tenté l’inscription à la Barkley, mais Laz, l’organisateur, m’a oublié… Du coup, j’ai improvisé ; d’abord the Coastal Challenge en février : 230 km et 10000 m  de D+ dans la jungle du Costa Rica, et le 8 avril le marathon de Pyongyang en Corée du Nord. Rien que d’évoquer ce pays, la peur s’installe, en général. Peu de personnes m’ont encouragé à partir là-bas, sauf que pour me dissuader de faire quelque chose, il faut se lever de bonne heure !
Alors pourquoi la Corée du Nord ? Parce que justement la Corée du nord ! j’ai connu Cuba, il y a pas mal de temps, et j’avoue que c’était génial de faire des runs en passant par divers check points… Tous les soirs les militaires me reconnaissaient, et une certaine connivence s’était finalement installée. J’avais envie de renouer avec un pays très fermé et voir de mes propres yeux l’intérieur de ce pays ! L’idée est venue d’un de mes collaborateurs, Sebastien, qui m’a montré ce fameux marathon de Pyongyang et évidemment l’idée d’aller fouler ce pays pour un marathon a vite germé dans ma tête. Le marathon fête sa 29e édition et c’est seulement la 3e année qu’il est ouvert aux étrangers. Alors commence le parcours du combattant : obtenir un visa , trouver un vol , trouver l’organisme qui gère …heureusement mon anglais s’améliore à force de parcourir le monde à travers mes courses.

Au bout d’un mois de tractations, je dois aller chercher mon visa dans Pékin. Déjà, le taxi ne pourra pas m’amener à l’adresse , il me déposera devant un centre commercial et après j’ai des photos pour me repérer pour trouver l’immeuble du briefing …Pour rentrer en Chine , il faut soit un visa , soit être dans le programme 72h ( montrer les billets entrée /sortie autres pays ..visa ..). Pour des raisons financières, j’ai opté pour l’option 2. Pour avoir fait le trail de la muraille de Chine , le visa pour la chine est onéreux et pour un passage éclair …Toujours pour alléger le prix, j’ai choisi Air china. Lorsque je me présente à l’enregistrement pour Pékin, la personne en face de moi a 2 problèmes  : elle n’a jamais vu de visa pour Pyongyang et en plus l’opérateur ne m’a scanné que l’intérieur du visa et donc elle croit que c’est un faux !
Je lui explique que faire un faux pour aller dans un pays comme la Corée du Nord, il  faut être ..audacieux ! Elle appelle son chef qui ne prend pas de décision et m’amène voir sa supérieure, la responsable chinoise de la compagnie aérienne .
C’est un non catégorique ! Mais j’ai une copie de tous mes échanges par mail avec l’agence avec qui je voyage. Là, je suis pris au sérieux ; mon interlocutrice fait des photos de tous les documents et les envoie à l’ambassade. Finalement , c’est ok ! J’arrive à Pékin. Puis à Pyongyang. Là-bas, à part suivre le mouvement et se taire, la marge de manœuvre est très étroite. Tout est surveillé. On nous explique comment on plie le journal si Kim Jun Un est en une ! Ils l’appellent le maréchal ou le leader suprême ! Sur place, on est 500 coureurs étrangers, le silence plombe l’atmosphère.

Il faut passer plusieurs rideaux de sécurité à l’aéroport. Dans le stress, je passe avec ma ceinture, mon portefeuille, ma montre GPS… Ca sonne de tous les côtés ; ça fait rire les soldats. Mon GPS passe. La seule chose qui intrigue : un magazine, trails endurance ! Un plus haut gradé valide mon bouquin, et là, le feuilleton rocambolesque commence ! Marcus, mon contact sur place, m’explique que je vais avoir une visite privée avec deux guides dont une qui parle français ; je lui demande les raisons mais pas de réponse très convaincante. Je me présente aux deux personnes : une femme qui me dit de l’appeler Kim et l’homme en noir : il parle un anglais discret. J’ai un chauffeur et la voiture, une Audi Q7 noire ! Au pays du communisme, un symbole du capitalisme ! Aussitôt dans la voiture, le chef me demande mon passeport et visa, qu’il conserve…On démarre, et là, les questions pleuvent et surtout ce qui va devenir récurrent : « journaliste ou grand champion de marathon ? ». J’ai beau dire ni l’un ni l’autre, que je travaille dans un magasin de sport, je ne suis pas convaincant à leurs yeux !
A un moment il faut faire le parcours du marathon ; j’ai beau dire que c’est stupide, que je vais courir demain, on y va. A 17h, il faut manger ! On va au restaurant, nous sommes 3 ! On m’amène à l’hôtel : 47 étages ; le lendemain faut être en bas de bonne heure avant le marathon, il y a la cérémonie ! 6h : petit déjeuner , et je peux voir les autres coureurs ; je rencontre Eyrlan, un Bordelais et Pierre Olivier, un célèbre restaurateur de Montpellier. Ils font le semi. Les bus partent au stade. Moi, j’attends ma super voiture ! Une foule incroyable se dirige vers le stade ; l’Audi passe le contrôle de la police en un clin d’œil ; on se gare à côté des bus. Il fait -1°C. Les organisateurs nous regroupent pour défiler dans le stade version jeux olympiques sauf que nous ne sommes pas disciplinés. Ma guide est à coté de moi, je peux garder ma doudoune ; on rentre dans l’enceinte du stade : 50 000 personnes qui applaudissent, on est aux abords du stade ; interdit encore de pénétrer dans l’arène. Et là un journaliste suédois passe avec un camérama.n Il me reconnaît. J’ai souvent couru avec la célèbre traileuse Elisabeth Barnes. Il me propose de m’interviewer en anglais. Je suis un peu bavard ; ça dure, la guide stoppe l’entretien. Elle veut savoir ce que j’ai dit, je lui résume en 1 mn, ça ne lui convient pas. J’ai fait mon marathon. Pas très glamour. Je suis arrivé, ma doudoune m’attendait. L’homme en noir m’a demandé si je voulais boire des bières avec lui le soir, j’ai accepté évidemment ! Du coup les visites qui étaient interdites, j’ai pu les faire. La soirée fut arrosée, j’ai eu droit à des infos politiques qui se dévoilent maintenant ; il m’a rendu mon passeport et j’ai pu participer au banquet avec les autres. Le lendemain, mon escorte m’a amené, toujours en VIP, jusqu’à l’enregistrement. Je passe le brouillard, qui a failli nous faire rater notre vol, tout comme la mauvaise volonté des douaniers chinois. Ce qui m’a permis de vivre une autre mini-aventure avec Pierre-Olivier. Voilà encore un périple de terminé !
Philippe Richet

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